M IS deux fois en examen dans des affaires liées au financement du RPF et à des ventes d'armes, Charles Pasqua continue, avec une farouche énergie, à nier sa culpabilité.
Figure à la fois pittoresque et éminente de la République, l'ancien ministre de l'Intérieur n'a jamais varié d'un iota sur son inspiration gaulliste et nationaliste, au point d'abandonner Jacques Chirac et de créer, avec le résultat et les péripéties que l'on sait, son propre parti. Il a adopté le principe de la tolérance zéro pour tout propos ou insinuation qui mettrait en cause son honneur. On l'a vu se prêter aux entretiens télévisés avec des exigences telles que le libre jeu des questions et des réponses se transformait en soliloque : M. Pasqua pointe un index accusateur en direction du journaliste et le menace d'un procès en diffamation au seul motif que l'interrogation contient des mots infamants à ses yeux.
Force de la nature, M. Pasqua n'en tombe pas moins dans un schéma que nous connaissons bien : un homme politique est poursuivi par la justice, il jure de son innocence, il échappe rarement à la condamnation. Roland Dumas et Loïk Le Floch-Prigent ont toujours eu pour ligne de défense l'innocence absolue. Le tribunal correctionnel de Paris les a condamnés respectivement à six mois et trois et demi fermes, tandis que Christine Deviers-Joncour recevait trois ans dont la moitié avec sursis et Alfred Sirven, quatre ans de prison.
MM. Dumas et Le Floch-Prigent font appel. Ils peuvent donc être encore blanchis par la justice, mais la distance est grande entre leurs dénégations et le jugement. Un ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président du Conseil constitutionnel termine sa brillante carrière par d'affreux démélés avec la justice. On s'étonne donc de ce que des personnages publics, accablés de responsabilités, dotés de pouvoir et couverts d'honneurs n'aient pas été mieux préparés aux augustes fonctions qu'ils ont occupées. Comment pouvez-vous croire, s'est écrié Roland Dumas en substance pendant le procès, que j'aurais couru de tels risques, à mon âge et dans ma position ? Le tribunal vient de lui confirmer qu'ils les a courus et lui demande de payer la note.
Pourtant, ce n'est pas d'aujourd'hui que les pratiques douteuses de certains hommes politiques sont corrigées avec sévérité. Ces pratiques nous semblent même tellement répandues, à nous communs des mortels, que nous commençons à croire à un syndrome spécifique qui affecterait les hommes parvenus au pouvoir et les aveuglerait. Loin de ressentir le poids de leurs fonctions et surtout de la rigueur à laquelle ils sont contraints plus que les gouvernés, ils ne verraient dans leur position à peine acquise qu'une source de privilèges, alors même que le fonctionnement de la démocratie réclame d'eux un surcroît d'humilité.
M. Pasqua aime abattre des barrières, c'est un fort tempérament ; si la justice apporte un jour la preuve de ses fautes, c'est que, parmi les barrières, il aurait inclus celles de la déontologie, à défaut d'avoir puisé son inspiration dans la morale qu'on apprend enfant dans les écoles mais qu'on oublie parfois lorsqu'on passe à l'âge adulte. Le cas de M. Dumas, compliqué par la présence de Mme Deviers-Joncour, est différent : la barrière qu'il n'a pas vue, est celle qui sépare la politique de l'argent (il n'est pas le seul) et du plaisir quotidien, avec des gâteries gratuites qu'un homme « de son âge et de sa position » aurait dû mépriser. Ce n'est pas qu'il ait porté des chaussures hors de prix, c'est qu'il ait ressenti le besoin de les porter ; ce n'est pas qu'il n'ait pas mérité un troisième âge confortable, c'est qu'il ait eu pour l'argent un goût immodéré, incompatible avec ses tâches de ministre. Il faudrait une école de la politique qui enfoncerait dans le crâne de tous les candidats à un mandat électif que leur métier est une vocation. Et une ascèse.
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