Même si l'issue du vote sur le budget de la Sécu ne fait aucun doute, discipline de la majorité oblige, l'examen en séance publique du PLFSS 2003, qui se poursuit aujourd'hui, a contraint Jean-François Mattei à expliquer certains de ses choix, vivement contestés à gauche, mais aussi, mezza voce, dans sa majorité.
Plus prudent que jamais, le ministre de la Santé a cadré les débats dans son discours d'ouverture. « La réforme exige un vrai dialogue, qui demande du temps, nous n'avons pas voulu confondre vitesse et précipitation. » Ou encore : « Il ne s'agit pas de fanfaronner, mais de rester modeste. D'autres que moi n'ont pas réussi à corriger durablement les dérives (...) ». Bref, même s'il a, dit-il, « la volonté de réussir », le ministre de la Santé est conscient que la voie qu'il trace « fondée sur la confiance et la responsabilité partagée » est un pari total. Un pari qu'il juge toutefois indispensable puisque « toutes les autres tentatives ont échoué » et que les professionnels de santé sont « désenchantés » et « en proie à une crise matérielle et morale ».
Le pire à venir ?
Mais, en assumant ce fameux budget « de transition », qui accepte de fait l'aggravation du déficit du régime général à hauteur de 3,9 milliards d'euros en 2003 (contre 3,3 milliards d'euros attendus cette année) et en renvoyant la plupart des réformes de fond à l'année prochaine (nouvelle gouvernance, retraites, loi quinquennale de santé publique, etc.) Jean-François Mattei a pris le risque d'un procès en immobilisme.
La gauche s'est engouffrée dans cette voie. « Votre projet ne contient aucune mesure permettant de maîtriser structurellement l'évolution des dépenses de santé, a accusé Claude Evin, ancien ministre de la Santé. C'est sans doute ce qu'il y a de plus contestable dans cette loi de financement de la Sécurité sociale car en fait... la Sécurité sociale en 2003 ne sera pas financée. » Les socialistes ont alerté l'opinion publique de la « lourde menace » que fait peser, sur le système solidaire à la française, une politique qui « laisse dériver » la dépense. « Une Sécurité sociale en déficit, c'est une Sécurité sociale affaiblie, un risque pour la solidarité », a résumé Claude Evin, qui voit dans ce budget « une manière insidieuse d'aller progressivement vers une autre Sécurité sociale ». Faut-il redouter une hausse des cotisations ? Quand le gouvernement sera au pied du mur, « les réveils ne seront que plus difficiles », met en garde Claude Evin.
Pour Pascal Terrasse (PS, Ardèche), le PLFSS est carrément un « budget de privatisation », qui ne dit pas son nom. Egalement inquiets, les députés communistes n'ont de leur côté décelé « aucune réforme du financement » de la Sécurité sociale.
L'UDF n'a certes pas la même vigueur dans la critique. Mais en déposant 45 amendements, elle a montré son souci de modifier un texte jugé « relativement satisfaisant ». Autant dire, le service minimum. Pour Jean-Luc Préel (Vendée), porte-parole de l'UDF pour le PLFSS, les hypothèses de croissance du PIB (+ 2,5 %) et de la masse salariale (+ 4,1 %), que le gouvernement a retenues pour élaborer ce budget, sont « optimistes ». Et quand Jean-François Mattei table sur un déficit de la branche maladie de 7 milliards d'euros l'année prochaine, l'UDF redoute que la facture finale atteigne « 10 milliards » (chiffre également cité par les députés socialistes). « Comment financer ce déficit ? », interroge Jean-Luc Préel, qui ne cache pas ses doutes en plein ralentissement économique et à l'heure où « tous les secteurs de la santé sont en crise ». Le député « regrette » au passage que le gouvernement n'ait pas suivi la proposition de l'UDF de réaliser dès juin un « audit santé » qui aurait permis de « tout remettre à plat ». La maîtrise médicalisée que prône le gouvernement ? « Encore faudrait-il s'en donner les moyens avec le codage des actes et des pathologies », observe Jean-Luc Préel.
L'examen du budget de la Sécu par les députés doit se terminer demain.
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