L E Mouvement français pour le planning familial (MFPF), qui organise son université d'été sur le thème de « l'émergence d'une nouvelle conception de la prévention », au Pradet, dans le Var, le 8 septembre, estime qu'il est temps que le monde des adultes, parents et pouvoirs publics en tête, « accepte la sexualité avant l'âge de 16 ans ». Sans quoi, toute action de prévention, qu'il s'agisse de l'IVG, du SIDA ou des MST, est vouée à l'échec.
La mise en garde se veut directe, à la veille de l'organisation d'une prochaine campagne sur la contraception. La précédente, intitulée « La contraception, à vous de choisir », s'était déroulée sur le petit écran du 12 au 31 janvier 2000. Une commission d'appel d'offres vient d'être mise en place par le ministère de Mme Guigou. Les nouveaux spots sont attendus pour le premier trimestre 2002 au plus tard, sauf contrordre.
Il ne sert à rien de diffuser une information sur les méthodes contraceptives si, dans le même temps, on fait l'autruche « comme en prison, où le postulat de base est qu'il n'y a pas de sexualité derrière les barreaux ».
C'est là que le bât blesse, dénonce le Planning. Si on ne reconnaît pas la sexualité des adolescents, voire des pré-ados, ou encore celle des détenus, comment développer une contraception adaptée à chacune et à chacun ? De plus, poursuit en substance le MFPF, une campagne digne de ce nom n'aura une pleine efficacité que si elle est épaulée par des démarches personnalisées de proximité, à l'initiative du travailleur social, du médecin de famille et de l'infirmière scolaire.
A ce jour, la France, pays européen où les femmes en âge de procréer utilisent le plus la contraception (70 %), subit, en matière de maîtrise de la fécondité, un nombre élevé d'échecs, principalement chez les très jeunes et les personnes appartenant à des milieux sociaux modestes. En janvier 2000, trois femmes sur cinq sollicitant une IVG ignoraient la contraception d'urgence. Quant aux mineures, elles sont environ 6 000 à avorter, chaque année, et 2 500 à accoucher, trop fréquemment par ignorance.
A l'hôpital Jean-Verdier de l'AP-HP de Paris à Bobigny, sur 50 adolescentes venues avorter en 1997, les deux tiers sont âgées de 15 à 17 ans et les autres de 12 à 14 ans. Un peu plus de deux sur trois vont à l'école, 73 % sont de nationalité française et 4 % ont été enceintes à la suite d'un viol commis par un grand-père, un père ou un frère. La contraception, enfin, est absente chez 72 %, aléatoire pour 22 % et sûre pour seulement 6 % ; parmi toutes les femmes qui se font avorter en Seine-Saint-Denis, ces taux sont respectivement de 22, 68 et 10, rapporte le
Pr Michèle Uzan.
Déficit d'information
En définitive, « si la proportion de femmes qui ne souhaitent pas d'enfant et qui n'ont pas de contraception demeure très faible (2,6 %), il reste que 12,2 % des filles, et 8,4 % des garçons ont aujourd'hui leurs premiers rapports sexuels sans contraception », révèlent les premiers résultats de l'enquête GINE sur l'accès aux moyens contraceptifs et à l'avortement. Dans ce contexte, le recours à l'IVG, ajoutent les chercheurs de l'unité 292 de l'INSERM, a connu entre 1999 et 2000 une hausse de 21 à 24 pour mille entre 20 et 24 ans et de 6 à 7 pour mille pour les 15-18 ans. « Certaines grossesses paraissent dues à l'inadéquation de la méthode (contraceptive) utilisée à la vie sexuelle ou aux conditions de vie de la femme ». Quelques-unes « sont directement liées à un déficit d'information, surtout flagrant chez certaines très jeunes (qui), souvent sensibilisées au risque de l'infection à VIH, relèguent au second plan les enjeux contraceptifs ».
En outre, « si des raisons structurelles limitent l'accès à l'information, comme la difficulté d'accès aux institutions à même de les conseiller, le fait que des femmes vivent une sexualité qu'elles perçoivent comme socialement ou culturellement stigmatisée représente un obstacle de fond ».
Sans oublier celles qui « se trouvent généralement dans une situation tellement difficile, tant du point de vue socio-économique que du point de vue personnel, pour qui la question de la contraception, qui présuppose une capacité sociale à maîtriser sa vie, ne peut pas se poser ».
En ce qui concerne les moins de 18 ans, et surtout les plus jeunes encore, l'INSERM est en phase avec le Planning. « Il faut reconnaître (leur) sexualité pour mieux les informer », disent les enquêteurs, qui préconisent une information contraceptive, sur les lieux de vie, y compris à l'école, traitant « simultanément du VIH, des MST, de l'IVG et de violences psychologiques, physiques ou sexuelles », mais intégrant aussi « la dimension affective et relationnelle de la sexualité, qui reste avant tout source de plaisir dès lors que les partenaires sont consentants ». En somme, la contraception c'est prendre du plaisir. Ce pourrait être là le slogan de la future campagne.
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