« J'ai le plaisir de vous présenter le bouquet rural de l'action gouvernementale », c'est en ces termes que le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a ouvert la conférence de presse qui a fait suite, la semaine dernière, à un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire au cours duquel ont été exposées les mesures contenues dans la loi Gaymard (1) et celles décidées au cours du comité. « Le gouvernement a le souci du service public et du service des publics, a-t-il continué, et la santé est une priorité pour les territoires sous-médicalisés. Aussi a-t-il été décidé d'aider l'installation et l'activité des professionnels de santé », grâce à l'instauration, avant la fin de 2004, d'une prime à l'installation des professionnels de santé. « Mais, précise Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, si le principe d'une prime à l'installation est acté, il reste cependant à en déterminer le montant et qui en bénéficiera. »
D'autres mesures ont été présentées à l'issue de ce comité interministériel : l'exercice en cabinet de groupe, en cabinet secondaire, ainsi que la constitution de pôles de soins vont être encouragés « grâce à la coordination des aides des collectivités territoriales », mais selon des modalités qui restent à préciser, et qui, à tout le moins, devront faire l'objet de conventions tripartites entre les médecins, les collectivités territoriales et l'assurance-maladie. De même, il est envisagé de rompre « l'isolement des médecins par la constitution de réseaux locaux de santé articulés sur le dispositif régional de soins hospitaliers. Il est également envisagé des expériences de télé-santé favorisant le travail en réseau et l'expérimentation d'installation de cabinets multisites ».
Enfin, le gouvernement se propose d'attribuer « des bourses spécifiques pour les étudiants en médecine qui s'engageront à exercer par la suite en milieu rural, en étudiant la possibilité de faire évoluer le numerus clausus, notamment dans sa dimension régionale ».
Un parfum de déjà vu
Reste que, au moins pour une partie d'entre elles, ces mesures ont un léger parfum de déjà vu. La prime à l'installation, notamment, avait déjà été évoquée par Elisabeth Guigou en 2001 et la loi de financement de la Sécurité sociale 2002 en reprenait le principe. Mais les décrets d'application de cette loi, qui devaient permettre de déterminer les zones concernées, ainsi que les obligations des praticiens en contrepartie de la prime ne sont jamais parus. Par la suite, cette prime avait été évoquée dans le rapport Berland fin 2002, puis dans le rapport Descours sur la démographie médicale juste avant l'été 2003. Interrogé par « le Quotidien », Charles Descours précise d'ailleurs : « Je savais que mon rapport allait être utilisé par Hervé Gaymard pour sa loi sur les territoires ruraux ; le ministre souhaitait présenter sa loi avant l'été, mais ça a traîné à cause du dossier sur les retraites. »
Réactions mitigées
En outre, ces dispositions ne semblent pas déclencher un enthousiasme démesuré chez les professionnels de santé : Pierre Costes, président de MG-France, veut bien prendre acte de ce que « le gouvernement a au moins pris conscience du problème et voit qu'on a besoin de généralistes de proximité ». De même, Pierre Costes se réjouit que le gouvernement ait choisi « l'incitation et non la coercition ». Et le président de MG-France va plus loin : pour lui, « la technique des primes est une mauvaise méthode ; ce qu'il faut, c'est une rémunération stable et pérenne, fondée sur un socle conventionnel. On doit aller vers une rémunération forfaitaire, avec des moyens en termes économiques, en termes de personnel et en termes de locaux. Le prix de l'acte resterait le même pour tout le monde, mais à la facturation de l'acte s'ajouterait un forfait qui pourrait être payé par les collectivités locales, l'Etat ou l'assurance-maladie. Et tout ça passe forcément par une contractualisation ».
Enfin, pour Pierre Costes, « ces aides ne devraient pas se limiter à la ruralité, car, en centre-ville, l'immobilier est souvent hors de prix et, dans certaines zones péri-urbaines, l'exercice est fastidieux, voire dangereux ».
A la CSMF, le président Michel Chassang est à peine plus mesuré : « Ces mesures, qui ne sont pas vraiment originales, ne sont pas suffisamment audacieuses, ne constituent qu'un tout petit pas dans la bonne direction et ne correspondent pas aux raisons qui poussent les médecins à déserter certaines zones rurales, et qui sont la pénibilité, et les mauvaises conditions de travail et de vie familiale. Nous vivons une époque de pénurie démographique et il faut des mesures plus fortes, par exemple le complément de rémunération. »
Enfin, pour Charles Descours, les primes à l'installation ne seront pas suffisantes, « car le mal est plus profond que ça ». Pour le sénateur honoraire, un paramètre n'a pas été pris en compte dans l'élaboration des mesures : « 61 % des médecins sont mariés à un(e) cadre supérieur(e) dont le bon déroulement de carrière est presque toujours incompatible avec une installation en milieu rural ; la prime devrait donc être forte et pérenne pour être attractive ». Mais Charles Descours veut bien reconnaître que « globalement, ça va donner un support législatif aux actions des collectivités locales. Ça va dans le bon sens, mais je pense que ça ne sera pas suffisant ».
(1) Le texte complet du projet de loi est disponible en ligne sur le site du ministère de l'Agriculture : www.agriculture.gouv.fr
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