Près d'un an après son arrivée à la tête de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Rose-Marie Van Lerberghe, qui a remplacé Antoine Durrleman, présente aujourd'hui devant le Conseil d'administration de cette institution son plan d'équilibre, qui doit permettre une économie de 240 millions d'euros sur quatre ans (« le Quotidien » du 6 octobre). L'exercice est compliqué.
En effet, dès l'annonce de ce plan d'économies voulu par le gouvernement et le ministre de la Santé, les oppositions ont été nombreuses tant du côté des syndicats et des personnels que du côté du président délégué du conseil d'administration de l'AP-HP, le communiste Alain Lhostis, qui représente le maire de Paris, Bertrand Delanoë.
Mais la situation financière de l'AP-HP est aujourd'hui si dégradée qu'elle appelle des solutions rapides et énergiques. C'est ce qu'écrivait d'ailleurs, le 30 septembre dernier, le ministre de la Santé dans une lettre à la directrice de l'AP-HP . « L'institution, expliquait Jean François Mattei, dispose d'un potentiel exceptionnel ; il faut le préserver. Sa situation financière est préoccupante. Elle doit être redressée. »
Un passif de 350 millions d'euros
En clair, le déficit, qui était de 40 millions d'euros en 2001, a atteint 100 millions pour 2002, et sera sans doute de 210 millions à la fin de l'année 2003. Soit un déficit cumulé sur trois ans supérieur à 350 millions d'euros. On peut d'ailleurs s'étonner (et certains ne manquent pas de le faire au plus haut niveau) de l'inertie des précédents responsables de l'Assistance publique qui ont laissé se dégrader cette situation.
Rose-Marie Van Lerberghe, qui a fait sa carrière dans d'autres secteurs d'activité, a été précisément choisie, dit-on, pour mettre au point ce plan d'économies qui peut créer certains remous. Mais la directrice en a vu d'autres et a des arguments pour convaincre. Ainsi le gouvernement, conscient des difficultés de « vendre » ce plan aux personnels et aux médecins ainsi qu'aux membres du conseil d'administration, s'est engagé, si les économies sont effectivement réalisées, à accorder de nouvelles recettes à l'Assistance publique et à lui verser en quatre ans 230 millions d'euros, afin d'améliorer, dixit Jean-François Mattei, « sa base budgétaire ». Ces versements seront échelonnés sur quatre ans : 35 millions d'euros dès 2003, 70 millions en 2004, 65 millions en 2005 et 60 millions en 2006, hors dotations exceptionnelles liées aux plans nationaux, c'est-à-dire hors des crédits qui seront accordés à l'AP-HP, notamment dans le cadre du plan Hôpital 2007. De plus, le système de péréquation régionale (qui consiste, on le sait, à redistribuer les crédits entre régions : on prend aux plus riches - et d'abord à la région parisienne - , pour donner aux régions moins privilégiées) sera supprimée, ce qui accordera de nouveaux crédits aux hôpitaux de la région Ile-de-France. Il n'est pas certain que ce système contente tout le monde, mais on comprend la satisfaction des responsables de l'AP-HP.
En contre-partie de ces avantages, l'AP-HP doit donc s'engager à économiser 240 millions en quatre ans et à vendre une partie de son patrimoine, pour 170 millions d'euros. Un dernier point qui avait irrité fortement Alain Lhostis qui, dans une déclaration au « Quotidien » (voir notre édition du 6 octobre), avait dénoncé cette vente « des bijoux de famille ». Mais, du côté de l'AP-HP, on veut minimiser l'importance de ces cessions. « Il s'agit, explique-t-on, d'actifs qui n'ont rien à voir avec nos activités de soins et dont nous ne savons que faire. Par exemple, des bâtiments commerciaux, souvent désaffectés et des terres agricoles. »
Reste la question essentielle : est-il possible d'économiser 240 millions d'euros, même en quatre ans, soit 60 millions d'euros par an, de 2004 à 2007, sans porter atteinte à la qualité des soins, sans toucher aux personnels, au risque de provoquer une explosion sociale, sans dégarnir ou fermer des services hospitaliers, au risque de s'aliéner toute sympathie des chefs de service et des médecins hospitaliers ?
Des engagements mutuels
Dans une lettre qu'elle a envoyée aux directeurs d'établissement dans le cadre de la préparation du budget 2004, la directrice de l'AP a été, à cet égard, très nette . « L'Etat, écrit-elle, nous montre sa confiance en nous attribuant d'emblée dès 2003 une première tranche de rebasage de 35 millions d'euros ; il confirmera son aide par une deuxième tranche de 70 millions au budget prévisionnel 2004. Nous devrons justifier, pour obtenir la tranche 2005, de la réalisation effectivement de 60 millions d'économies structurelles en 2004. »
En clair, si l'AP-HP ne tient pas ses engagements d'économies, l'Etat ne tiendra pas les siens, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir.
Reste à savoir comment et surtout où faire des économies. La difficulté n'est pas mince.
Dans la dernière mouture du plan de l'AP-HP, que « le Quotidien » a pu se procurer avant qu'elle soit examinée par le conseil d'administration, il est clairement indiqué que le potentiel d'économies sera d'abord obtenu dans les services médico-techniques, (c'est-à-dire en priorité les laboratoires) et dans ce qui est appelé les « services supports », c'est-à-dire l'administration, la logistique, les services de blanchissage... Dans le même temps, une amélioration des recettes est espérée dans le cadre d'une reprise de l'activité.
« Nous comparer à nous-mêmes »
Qu'en est-il des services de soins ? Des économies seront certes préconisées, mais sans qu'il soit porté atteinte à la qualité des soins eux-mêmes, commente-t-on à l'AP. Dans les services cliniques, il s'agit, explique-t-on encore, de « nous comparer à nous-mêmes ». C'est-à-dire de comparer les performances de chaque unité à celle des autres unités de l'AP-HP. Ainsi, en traçant une moyenne, les responsables de l'AP-HP entendent bien améliorer les performances de toutes les unités et arriver à déterminer des giusements??? d'économies, sans abaisser, bien au contraire, la qualité des soins, tout en permettant une affectation plus efficace des crédits financiers. Un raisonnement que l'on retrouve dans la lettre que la directrice de l'AP-HP a fait parvenir au ministre de la Santé, le 6 octobre, et dans laquelle elle affirme que « la plus grande partie de la marge de progrès potentielle des services cliniques sera destinée à permettre une revitalisation de l'activité de soins ». Il s'agira, poursuit-elle, de procéder à un vigoureux effort « de réallocation des moyens pour répondre à la demande et assurer une plus grande fluidité des soins, indispensable à un meilleur service d'aval des urgences et des services de soins aigus. »
La directrice de l'AP, qui a visité et rencontré les personnels dans chacun des 39 établissements de l'institution, aurait été frappée par la disparité entre les 746 services que compte l'AP : certains comptent quatre lits, d'autres sont presque pléthoriques. Certains ont une activité débordante ; d'autres restent très peu occupés et, pour la directrice, il s'agit, comme elle l'écrivait encore au ministre, « d'opérer un mouvement significatif de redistribution de moyens au bénéfice de services prioritaires ( urgences et aval des urgences, gériatrie aiguë, soins de suite et réadaptation, cancérologie et services de recours, services ayant une importante file d'attente des patients) ».
Mais en tout état de cause, pour 2004, la réalisation des 60 millions d'économies sera recherchée d'abord dans les services techniques et les service supports. Un effort, dit-on à l'AP, qui sera réparti de façon équitable entre les différents sites.
On ne sait pas quel accueil sera réservé à ce plan par les hôpitaux et les services. Des tracts circulent déjà dans les établissements, certains pour dénoncer ces mesures d'économies, d'autres pour affirmer qu'il faut sauver l'AP et approuver certaines décisions.
Nul doute, en tout cas, que personnels, médecins hospitaliers, directeurs d'établissement attendront avec impatience, aujourd'hui, le verdict du conseil d'administration de l'Assistance publique. Une réunion qui pourrait se révéler parfois houleuse et durer un certain temps.
Ce que contient le contrat d'engagement réciproque 2004-2007
L'Etat et l'AP-HP se lancent dans un contrat d'engagement réciproque de quatre ans (2004-2007) pour permettre un retour à l'équilibre structurel de l'AP-HP.
. L'Etat s'engage à verser 230 millions d'euros à l'AP-HP, qui bénéficiera en outre d'un rebasage budgétaire progressif et conditionnel sur quatre ans et de l'arrêt de la péréquation interrégionale. En contrepartie, l'AP-HP s'engage à différents niveaux.
. L'AP-HP devra réaliser une économie structurelle de 60 millions d'euros par an de 2004 à 2007, soit 240 millions d'euros sur les quatre ans. En 2004, la directrice générale entend économiser 60 millions d'euros de deux manières : en réduisant les coûts dans les plateaux médico-techniques, dans les services supports et au siège, et en redistribuant les moyens au bénéfice des services qu'elle a définis comme étant prioritaires (urgences et aval des urgences, gériatrie aiguë, soins de suite et de réadaptation, cancérologie et services de recours, services ayant une importante file d'attente...). La productivité globale devra être améliorée par une plus juste prescription des médicaments et des actes médico-techniques, par une meilleure exploitation des équipements et par l'amélioration des organisations du travail.
. L'AP-HP s'engage à vendre une partie de son patrimoine immobilier non lié aux activités de soins (par exemple, des terres agricoles, des bâtiments commerciaux et désaffectés...), pour un montant de 170 millions d'euros sur quatre ans.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature