DEUX ANS après la catastrophe de la canicule 2003, le millésime 2005, sans avoir atteint les mêmes scores météorologiques dramatiques, n’en a pas moins été marqué par un phénomène exceptionnel : la vague de chaleur survenue au cours de la seconde quinzaine de juin a été qualifiée par Météo France d’ «assez forte». De fait, elle a entraîné dans huit régions françaises l’activation du plan national Canicule, au niveau 2 de préalerte et au niveau 3 d’alerte. Dans 24 départements, les valeurs repères qui avaient été déterminées par le Sacs (système d’alerte canicule et santé, « le Quotidien » du 10 juin 2005), à l’aide de ses indicateurs biométéorologiques prévisionnels (IBM), ont été atteintes ou dépassées dès le 21 juin. La région Rhône-Alpes fut la plus touchée, avec huit départements concernés, dont quatre ont été placés en niveau 3 pendant au moins trois jours consécutifs.
Onze mois plus tard, le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH » n° 19-20) publie une étude originale consacrée à l’impact sanitaire de cette vague de chaleur.
Un pic aux urgences.
Analysant les données recueillies par les cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Anne Etchevers (Institut de veille sanitaire) a comparé la mortalité en 2005 avec celle des années 1999-2002. Si, dans les départements du Doubs, de l’Isère et du Maine-et-Loire, le nombre des décès enregistrés pendant la période d’étude a dépassé la borne supérieure de l’intervalle de confiance, dans l’ensemble des villes sentinelles, la comparaison n’a pas permis d’identifier un effet remarquable de la vague de chaleur sur la mortalité. On note même un pourcentage de variation en baisse de 7 % à Marseille et de 4 % à Lyon. Paris est quasi stable, à + 1 %.
C’est au chapitre de la morbidité que l’on enregistre le passage de la vague de chaleur. Dans le Rhône, où les valeurs repères ont été dépassées du 21 au 29 juin, l’activité des services d’accueil aux urgences (SAU) a augmenté entre le 21 et le 30 juin, avec un pic de 27 % le 28 juin. Le Samu et les SAU ont observé de nombreux malaises sans gravité, des cas de déshydratation et de décompensation organique qu’Anne Etchevers estime liés à la chaleur.
Dans l’Isère, on observe même le doublement des activités du Service départementaled’incendie et de secours (sapeurs-pompiers) par rapport aux trois semaines précédentes. Même hausse de 100 % du nombre de passages des plus de 75 ans aux urgences où, le 27 juin, on a constaté d’importants problèmes liés à la capacité d’accueil insuffisante (49 patients en attente d’un lit, dont 21 personnes âgées).
Les autres départements concernés par ce pic thermique ont certes moins souffert, mais il faut quand même signaler des scores de + 50 % pour le Samu de l’Ain, de + 28 % pour les urgences de Savoie.
Le « BEH » reste prudent dans son analyse, eu égard à l’absence de données historiques qui ne permettent pas de statuer définitivement : peut-être, en effet, les augmentations d’activités des services d’urgence sont-elles le fait de variations saisonnières habituelles. L’étude reste empirique, mais, en tout état de cause, il y a bien eu une vague de chaleur et son impact sanitaire est resté modéré. Il est donc permis de penser que la prise de conscience collective du risque lié à la chaleur a porté ses fruits. La leçon de l’été 2003 a indéniablement porté dans le public. Et il est tout aussi patent que les actions de prévention déclenchées par l’application du PNC, avec la mise en alerte de la population et le lancement d’actions spécifiques pour protéger les populations les plus vulnérables, ont contribué à faire que l’été 2005 soit moins meurtrier qu’il aurait pu l’être.
Et ce n’était pas la moindre difficulté, souligne, dans son éditorial, le Pr Didier Houssin, que d’« assurer l’application de mesures simples (rafraîchir, hydrater, se protéger du soleil et de la chaleur) à des personnes isolées et dépendantes». Leur recensement avait mobilisé associations et collectivités locales, notamment les mairies.
La même mobilisation devra être ordonnée cette année. Mais le directeur général de la Santé entend réaliser aussi de nouveaux progrès : «Le premier, annonce-t-il, est de revoir les niveaux et les phases du plan Canicule, afin que la compréhension et la communication soient plus faciles. On se dirige ainsi vers trois niveaux plus parlants: le niveau de la veille sanitaire, le niveau de mise en garde et d’action, le niveau de mobilisation maximale. Le deuxième progrès concerne l’amélioration des recommandations médicales. Le troisième sera de revoir en conséquence les outils de la communication ministérielle.»
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