LE PARCOURS de Jean Weissenbach commence dans les années 1970, à Strasbourg, sa ville natale, où, après des études de pharmacie et des recherches en biologie moléculaire, il entreprend une thèse sur le séquençage des ARN de transfert. Lors de son stage postdoctoral, il se réoriente vers le clonage des gènes d'interférons humains, puis se familiarise, à l'institut Pasteur, avec les techniques de l'ADN recombinant. Il entreprend tout d'abord des recherches sur les chromosomes sexuels et parvient, avec son équipe, à cartographier le chromosome Y et à cerner le segment d'ADN qui contient le gène responsable de la détermination du sexe masculin. Viennent alors, dès le début des années 1990, les cartes génétiques de l'humain. «J'aime savoir qu'il existe une part d'inconnu dans la vie et, en même temps, c'est rassurant de mettre de l'ordre dans les phénomènes naturels. Même si, au final, les connaissances qu'on accumule sont toujours incomplètes, inexactes, ou sujettes à remise en question», dit-il. Il se lance dans leur élaboration avec Daniel Cohen, le fondateur du Centre d'étude du polymorphisme humain, et en partenariat avec l'Association française contre les myopathies. En deux ans, il constitue une équipe et obtient une première carte très prometteuse. Quatre ans plus tard, plus de 5 000 marqueurs ont été repérés et constituent la première carte génétique de haute résolution.
De l'homme à la vigne.
En 1997, Jean Wesseinbach met sur pied le Genoscope. Dans le cadre du programme international ayant abouti en 2003 au séquençage du génome humain, son équipe se charge du chromosome 14. Il est aussi à l'origine, en 2000, de la première estimation fiable de la taille du génome humain (30 000 gènes, au lieu des plus de 100 000 supposés). Après cette première vague de séquençage des génomes les plus cruciaux (homme, souris, bactéries pathogènes), Jean Wesseinbach participe à celui du poisson Tetraodon en 2004, à celui de la paramécie en 2006 et, récemment, de la vigne.
Aujourd'hui, le généticien met ses compétences au service de l'environnement et contribue à l'inventaire d'activités enzymatiques microbiennes qui pourraient être utilisées dans le cadre d'une chimie verte. «Pour être en bonne santé, rappelle-t-il, il faut vivre dans un bon environnement!» Jean Wesseinbach a reçu de nombreuses récompenses pour ses travaux, dont la médaille d'argent du CNRS en 1994 et le grand prix de la Fondation de la recherche médicale en 2007.
Eugénisme ?
«Les craintes concernant l'eugénisme sont fondées mais à relativiser, dit Jean Weissenbach : un génotype à risque pour une maladie ne garantit pas de tomber malade, et peut même protéger d'une autre menace. Il n'y a pas de génome idéal.» Mais une chose est sûre : «La mise sous tutelle de la nature prônée par Descartes a prouvé ses limites.»
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