AUCUN TRAVAIL n'avait jusqu'à présent évalué l'incidence de l'hémorragie sous-durale chez les nouveau-nés. Pourtant, cette notion revêt une importance toute particulière lorsque des parents sont suspectés de maltraitance envers leur enfant. L'étude publiée par E. H. Whitby et coll. (Sheffield, Royaume-Uni) dans le « Lancet » apporte des informations dans ces deux directions, donnant, après les chiffres, des orientations pour le diagnostic différentiel entre les hématomes liés à l'accouchement ou à une maltraitance.
Pour évaluer la fréquence de l'hémorragie sous-durale, objectif principal de l'étude, les Britanniques ont recruté de façon prospective 111 nouveau-nés de moins de 48 heures et, après l'accord des parents, les ont soumis à une IRM cérébrale. Le même examen a été pratiqué quatre semaines plus tard. les bébés ont été revus à six et vingt-quatre mois. Le mode d'accouchement a, bien sûr, été noté.
Ainsi, 49 naissances se sont déroulées naturellement, par voie basse ; 25 par césarienne ; 4 avec forceps ; 13 avec une ventouse ; 18 avec échec de ventouse suivi de forceps ; 2 par césarienne sur échec de ventouse et sur échec de forceps.
Forceps succédant à une ventouse.
En ce qui concerne les hémorragies, l'IRM en a dépisté neuf, toutes jugées de petite abondance. Trois d'entre elles après un accouchement normal (risque de 6,1 %), cinq après un forceps succédant à une ventouse (risque de 27,8 %), la dernière après une ventouse traumatique (risque de 7,7 %). Fait important, la nouvelle IRM à quatre semaines a montré dans tous les cas une résorption complète des hématomes.
Les auteurs font plusieurs constats. Tout d'abord, « la majorité, mais pas toutes les hémorragies, sont associées à une naissance instrumentale ». De plus, elles semblent être indépendantes de facteurs obstétricaux, autres que le mode d'accouchement. Enfin, une relation semble exister entre l'accident et certaines manœuvres, plus précisément un échec de ventouse suivi d'un forceps ou une ventouse difficile. Les auteurs indiquent que la taille de la ventouse, pas plus que le forceps isolé, n'ont eu d'influence sur la survenue de l'hémorragie. Ils suggèrent, pour expliquer ce constat, que la ventouse et le forceps appliquent leurs forces sur des zones différentes de la tête du fœtus. Cette combinaison de forces pourrait être délétère, à moins que ce ne soit le degré élevé de l'obstacle à l'expulsion.
Avant d'envisager l'aspect médico-légal de leur travail, les médecins britanniques rappellent que quelques études ont rapporté l'existence d'hémorragies sous-durales anténatales. Mais elles sont habituellement associées à une notion de traumatisme.
Surtout sous-tentoriels.
La situation de l'hématome diffère selon son étiologie, poursuivent-ils. Ceux de l'étude étaient surtout sous-tentoriels. En cas de blessure non accidentelle, il est généralement supratentoriel (bilatéral ou interhémisphérique). Un point particulier est relevé dans les cas suspects avec saignement sous-tentoriel : sa difficulté de dépistage au scanner.
Devant un juge, donc, « la défense peut invoquer l'existence d'un hématome sous-dural isolé découvert dans l'enfance et dû à un accident obstétrical ». Mais puisque les bébés ont été suivis jusqu'à l'âge de deux ans et que, dans tous les cas, les lésions avaient disparu à quatre semaines, au-delà de cet âge, les implications médico-légales sont importantes. Les auteurs ajoutent que les traumatismes crâniens non accidentels sont souvent associés à d'autres éléments diagnostiques tels que fractures métaphysaires, altérations rétiniennes, ecchymoses ou modifications du parenchyme cérébral. Quoi qu'il en soit, « même chez les enfants atteints d'une hémorragie sous-durale isolée et sans autre signe, les services de protection infantile doivent être alertés, parce que l'enfant pourrait être à risque ultérieur de blessure ».
Les chercheurs concluent sur un biais à leur étude. En effet, les bébés recrutés l'ont été après consentement des parents. Et ceux qui avaient vécu une naissance difficile étaient davantage enclins à accepter.
« Lancet », vol. 362, 12 mars 2004, pp. 846-851.
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