« L E Prince » de Nicolas Machiavel appartient à l'héritage intellectuel de tout esprit éduqué. Sa postérité est immense comparée à ces « miroirs des princes » qui abondent puisque toujours les philosophes ont approché les puissants et parfois voulu les éclairer. « De principatibus », titre donné par l'auteur à son dense et vif traité, est un texte accessible, nourri de la situation politique et sociale dans laquelle grandit, s'épanouit et s'interroge Niccolo Machiavelli, nourri aussi de ses lectures, les Grecs, les Latins, mais aussi les Pétrarque, Dante, Boccace.
Machiavel a été au service de la République de Florence. C'est en 1513, alors qu'il a été arrêté et emprisonné, avant d'être relâché (ses amis conspirateurs ont eux été exécutés), qu'il écrit « De principatibus », dédié à Laurent de Médicis le Jeune, chef du gouvernement de Florence. « Pour bien connaître la nature des peuples, il faut être prince », dit-il. « Et pour bien connaître celle des princes, il faut être peuple ».
Chapitre par chapitre, il analyse les principats et décortique les situations. Ainsi : « De cruauté et de pitié et s'il vaut mieux être aimé que craint ou le contraire ». Ainsi : « Comment il faut fuir les flatteurs ». On peut lire savamment « le Prince ». Mais on peut le lire aussi directement, innocemment. Et il parle, si l'on peut dire.
Absence de sens
On attendait avec beaucoup d'intérêt la proposition d'Anne Torrès. Malheureusement, elle n'a pas souhaité construire dramatiquement le texte. On en suit le développement. La parole, sur scène, est partagée entre un interprète (Jérôme Kircher), représentant, nous dit le programme, Machiavel et le Prince, un musicien à la trompette (David Lescot) représentant Machiavel et le Peuple, trois allégories, la Vertu (Anne Alvaro), la Fortune (Alexandra Scicluna), la Guerre (Agnès Sourdillon). Des coupes, et une circulation de la parole avec effets de dialogues, mais aucun travail sur la matière même d'un texte traduit pour la production par Jacqueline Risset dans une langue vive, nerveuse et fluide. Anne Torrès a pensé qu'il lui suffisait d'avoir de belles idées, de jouer de références picturales, architecturales, de construire des images extrêmement bien léchées avec lumières subtiles (Joël Hourbeigt), machines et éléments de décors sophistiqués (Alwyne de Dardel), costumes chics (Azzedine Alaïa et Naoki Takizawa) pour que «Le Prince» devienne matériau théâtral. Il n'en est rien. On regarde, on écoute, on n'est jamais touché, malgré l'indéniable grâce et la personnalité forte des comédiens. Tout sens se perd. C'est-à-dire qu'on contredit Machiavel, qui lui ne cherche que du sens.
Théâtre de Nanterre-Amandiers (01.46.14.70.00), à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h 30 le dimanche. Durée 2 h 30 sans entracte. Jusqu'au 24 mai. La traduction de Jacqueline Risset est publiée par Babel/Actes Sud.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature