88 touches enchantées
DANS LE SCHEMA classique et souvent convenu du trio piano-basse-batterie, le groupe newyorkais Bad Plus fait un peu figure d'épouvantail. Constitué par trois icônoclastes du jazz moderne - Ethan Iverson (piano), Reid Anderson (contrebasse) et David King (batterie) - qui auraient ingurgité, assimilé puis digéré toutes les tendances musicales actuelles, Bad Plus a réussi à déplacer et à transformer un univers conventionnel.
A l'écoute du troisième opus du tumultueux trio, « Give » (Columbia/Sony Jazz), force est de constater qu'il y a quelque chose d'Attila dans cette musique. Après cette déferlante rythmique et sonore atypique, est-ce que l'herbe verdoyante du trio standardisé, voire aseptisé, peut repousser en toute quiétude ? Une révision des critères s'impose donc dans la mesure où cette musique « révolutionnaire » bouscule bien des habitudes et ouvre de nouveaux horizons.
Rien de semblable avec le dernier CD du pianiste Kenny Barron, « Images » (Gitanes Jazz/Universal). A 61 ans, celui qui a été l'accompagnateur de jazzmen aussi prestigieux que Chet Baker, Stan Getz, Dizzy Gillespie ou Joe Henderson, livre, à la tête de son Quintet - Stefon Harris (vibraphone), Anne Drummond (flûtes), Kiyoshi Kitagawa (basse), Kim Thomson (batterie) - un album très mélodique et mélodieux, comprenant pas moins de six compositions du leader. Pianiste élégant, souple, raffiné, pétri de culture jazzy, il offre une musique fluide, limpide, douce et reposante. A consommer sans modération !
Le pianiste français Jean-Pierre Como aime raconter des histoires. Après avoir rendu hommage à ses racines italiennes, le voilà qui se lance dans une évocation du cinéma avec son dernier CD, « Scenario » (Nemo/Naïve).
Accompagné de Christophe Wallemme (basse), Stéphane Huchard ou André Ceccarelli (batterie), plus quelques invités aux bois (clarinette, basson, cor), il nous livre dix compositions personnelles (sur douze) de grande facture, qui sont autant de synopsis ou de tableaux à forte connotation impresionniste. Le travail d'un pianiste brillant et sensible qui a l'émotion à fleur de peau.
Du trio au piano solo
Le piano solo est une épreuve de vérité. Sans le soutien de ses fidèles accompagnateurs, le soliste devient un coureur de fond, un marathonien du clavier. A l'inverse d'interprètes classiques, le jazzman, dans cet exercice, livre sa personnalité, se met à nu à travers l'improvisation. Grand styliste, Jean-Michel Pilc (1), dont la notoriété a été reconnue à sa juste valeur après des années passées à New York, s'est lancé dans ce jeu difficile et périlleux avec « Follow Me » (Dreyfus Jazz/Sony Music), son dernier CD.
Au répertoire, des standards très revisités comme « My Favorite Things », « St. Louis Blues », « St. James Infirmery », « Oleo », « Ain't Misbehavin' » ou encore « Les feuilles mortes » et « Les copains d'abord ». Le résultat, un magnifique opus dans lequel virtuosité rime avec subtilité et élégance avec aisance. Du grand art pianistique.
Depuis plus de trente ans, Alain Jean-Marie est de toutes les aventures jazz en France. Pianiste très recherché, musicien tout-terrain capable de s'adapter à toutes les situations musicales, collectionneur de récompenses, il est aussi un excellent leader et un soliste de premier plan. Après avoir rendu dernièrement hommage à ses racines antillaises, il revient avec « That's What... » (Elabeth/DAM), un disque en solo, fruit de dix années de gestation.
Au programme, là aussi, un voyage au cœur des standards avec des compositions très travaillées de Billy Strayhorn, Dave Brubeck, Eubie Blake, John Coltrane, Ornette Coleman et McCoy Tyner. Le tout admirablement desservi par une technique irréprochable et un phrasé très classe.
(1) Paris, Sunside (01.40.26.21.25), 10 et 11 mai, 21 heures ; Arras, 20 mai ; Chailles, 21 mai ; Paris Jazz Festival, Parc floral, 13 juin.
Dave Brubeck, un pianiste hors du temps
Il aura fallu un tube - « Take Five », une composition en 5/4 du saxophoniste-alto Paul Desmond, écrite en 1959 - pour que le pianiste Dave Brubeck, aujourd'hui âgé de 83 ans, entre dans la légende du jazz à la tête de son Quartet, comprenant outre P. Desmond, Eugene Wright (contrebasse) et Joe Morello (batterie).
Un leader charismatique - inspiré à la fois par la musique classique et le jazz - et sa célébrissime formation que l'on peut retrouver dans « For All Time » (Columbia Legacy/Sony Music), un coffret de cinq CD dont le sujet est le temps.
Cinq albums donc, agrémentés de nouveau textes du pianiste : « Time Out », enregistré en 1959 - incluant deux succès « Take Five » et « Blue Rondo A La Turk » -, « Countdown - Time in Outer Space » (1961) - avec un titre inédit -, « Time Changes » (1963/64) - « Time In (1966) - avec trois titres inédits - et « Time Further Out (Miro Reflection) » - composé de morceaux enregistrés entre 1961 et 1963 (dont deux inédits), inspirés par un tableau du peintre espagnol Juan Miro, « Painting : 1925 », qui ornait la pochette originale du disque.
Cinq CD qui illustrent la parfaite cohésion qui existait entre les membres du Quartet, qui fut, avec le MJQ, un des groupes moteurs de l'époque pour la reconnaisance du jazz comme musique du XXème siècle. Même si Dave Brubeck, le Blanc, fut décrié par une certaine frange de la critique ! Une réflexion musicale sur le temps certes, mais également un parcours thématique d'un jazzman et de ses indispensables acolytes, qui de 1959 à 1967 - date de la dissolution du groupe - ont offert de belles pages de musique.
>>>> D. P.
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