E N 1992, à l'initiative de Bernard Kouchner, il a été décidé pour la première fois de dédier des financements spécifiques pour la recherche clinique, en aval de la recherche fondamentale. « A l'époque, nous avons considéré que, en France, la recherche clinique hospitalière était insuffisamment développée, explique le Pr Félix Reyes, chargé de mission auprès du ministre de la Santé. Les efforts de l'INSERM et de certains laboratoires universitaires étaient incomplets. De la même façon, lorsque les cliniciens s'adressaient aux partenaires industriels, l'écoute n'était pas assez large. Il fallait donc ajouter une autre dimension d'incitation en fournissant aux équipes hospitalières des financements dont elles seraient les seules détentrices. Ces équipes auraient l'initiative des projets de recherche clinique soit en relation avec la recherche fondamentale et cognitive, soit avec d'autres structures, par exemple compétentes en épidémiologie.
Le paysage biomédical se décompose en trois grands secteurs qui vont de l'amont vers l'aval : la recherche fondamentale, qui génère des concepts nouveaux, un secteur intermédiaire de transfert et de développement et, en aval, la recherche clinique pratiquée sur l'homme malade qui consiste à innover les pratiques de soins issues de la recherche cognitive. L'essentiel des efforts ont longtemps porté sur la recherche d'amont.
C'est ainsi qu'est né le PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique), qui consiste à donner aux cliniciens des financements leur permettant d'acquérir une autonomie au sein du paysage de la recherche biomédicale, ce qui permet de conforter la recherche d'aval.
Le PHRC a connu d'emblée un franc succès auprès des équipes hospitalières des CHU, supprimant de fait la compétition qui s'instaurait sur les budgets de recherche. « Ces financements ont doté les hospitaliers d'une autonomie financière leur permettant d'être écoutés, respectés et libres de mener un certain nombre de recherches, insiste le Pr Félix Reyes. Libres, et donc en mesure d'établir un partenariat avec les autres institutions de recherche traditionnelles. »
Depuis 1997, les financements sont alloués selon deux procédures menées de façon conjointe, mais qui, au début du PHRC, se sont succédé. La première consiste à donner aux établissements (délégation à la recherche clinique, directeurs d'hôpital) des budgets les laissant libres de choisir eux-mêmes les thématiques de recherche qui paraissent conformes à leurs stratégies prioritaires. La seconde privilégie la sélection de dossiers réalisée par un comité d'experts national du ministère bâtie sur un appel d'offres. Dans ce cas, l'appel d'offres est ciblé sur des thématiques prioritaires pour la recherche en santé publique : la psychiatrie, la gériatrie, les soins palliatifs, la douleur, la cancérologie, les études d'impact médico-économique, etc. Au fil des années, les thèmes évoluent. « Cette double approche permet, non seulement de conforter les axes d'excellence des établissements hospitalo-universitaires, mais aussi de stimuler des axes nationaux où la dynamique est insuffisante, explique le Pr Reyes. L'un des meilleurs exemples est celui de la psychiatrie qui reste encore relativement en retard en France. Nous avons également décidé d'impulser des thématiques nouvelles comme la thérapie génique et la thérapie cellulaire, très bien implantées en recherche fondamentale, mais peu dynamisées en recherche clinique. Dans ces deux domaines, les connaissances physiopathologiques sont élevées et pas assez valorisées. Pour que le fossé ne se creuse pas encore une fois entre l'amont et l'aval, nous avons injecté des sommes d'argent importantes dans cette thématique »
80 millions de francs chaque année
En moyenne, chaque année, le budget PHRC approche les 80 millions de francs ; les contrats sont trisannuels. « En 2000, en raison de la conjoncture économique, nous n'avons distribué que 50 millions de francs pour environ 150 projets, précise le Pr Reyes. Alors qu'en 2001, 100 millions de francs auront été distribués, la moitié pour les CH et l'autre moitié pour des priorités de santé publique. »
Les sommes allouées varient d'une équipe à l'autre, en fonction de la nature du projet. « Nous encourageons les cofinancements. Dans la majorité des cas, le PHRC intervient comme moyen de financer la partie méthodologie de l'essai. Un cofinancement astucieux permet d'obtenir gratuitement une molécule par l'industriel qui la fabrique. »
Les exemples de projets financés par le PHRC depuis 1993 sont nombreux. Parmi eux, et récemment, l'évaluation des anticorps monoclonaux utilisés dans le traitement de certains cancers, essais thérapeutiques fondés sur un cofinancement entre le PHRC et l'industrie pharmaceutique. Autre exemple : celui du TEP (tomographie à émission de positons), qui s'impose dorénavant comme une méthode diagnostique nouvelle en cancérologie. Le PHRC finance plusieurs essais pour préciser les apports de cette méthode nouvelle. Troisième exemple : en thérapie cellulaire, il faut vérifier sur l'homme la validité des hypothèses de départ. L'autogreffe de cellules souches permet de limiter l'effet myéloaplasiant des chimiothérapies à très hautes doses utilisées dans le traitement de certains cancers. La recherche cognitive a conduit à élaborer de nouveaux outils permettant de réinjecter aux patients malades leurs cellules souches débarrassées des cellules malignes. Mais la réinjection des cellules souches triées, c'est-à-dire sans cellules tumorales contaminantes, peut créer certains déficits immunitaires. « Il a bien fallu faire les essais cliniques pour le démontrer », commente le Pr Reyes.
La publication : un gage de qualité
Les critères d'évaluation essentiels de la « bonne utilisation » de ces budgets est l'obtention d'une publication dans des revues internationales à comité de lecture anonyme. Toutefois, précise le Pr Reyes, « en 1997, j'ai demandé à la DHOS (direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins) de mettre en place un travail d'évaluation, a posteriori , portant sur les premiers contrats distribués en 1993, ces contrats étant d'une durée de trois ans ».
Le PHRC répondant aux besoins des hospitaliers a toutes les chances d'être pérenne. L'un des tout derniers projets est de créer deux ou trois centres d'innovation technologique, dont l'un dédié au handicap.
Le Pr Félix Reyes est chef de service d'hématologie à l'hôpital de Créteil, ancien doyen de la faculté de Créteil (1990-1995), chargé de mission auprès du ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, en charge de toutes les questions relatives aux CHU et à la recherche médicale gérée par le ministère de la Santé, en relation avec les ministères de la Recherche et de l'Education nationale.
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