Alors qu'ils cherchaient à élucider les mécanismes à la base de la perte d'audition neurosensorielle due à l'âge ou aux bruits, des chercheurs suédois se sont intéressés à l'hypothèse du « phénotype économe ». Un intérêt justifié par la relation qui existe entre diverses affections liées à ce phénotype et la perte d'audition. Le terme « économe » n'a ici rien à voir avec l'avarice. Il s'agit d'adaptations métaboliques, orientées dans le sens de la restriction, qui surviennent chez un foetus mal nourri ou en état de souffrance. Ces modifications peuvent devenir permanentes et persister toute la vie, entraînant un certain nombre de pathologies.
Le primum movens de ce phénomène semble lié au facteur de croissance insulinique de type 1 (Insulin-like Growth Factor [IGF]). Il joue un rôle crucial dans le développement de nombreux organes, dont la cochlée et les cellules liées à l'audition. Pour preuve, les taux d'IGF sont plus faibles en cas de retard de croissance intra-utérin.
Pour tester la validité de leur hypothèse, M.-L. Barrenäs et coll. (Göteborg) ont réalisé des audiogrammes chez 479 hommes de 20 à 64 ans, soumis à un environnement professionnel bruyant, ainsi que chez 500 conscrits âgés de 18 ans.
Les conclusions sont en faveur du postulat de départ.
Au sein du groupe de militaires, il y a deux fois plus de petits parmi les malentendants que parmi ceux qui ont une bonne audition. La surdité est aussi associée à des antécédents familiaux de troubles auditifs, mais pas à une exposition professionnelle au bruit.
Trois fois plus souvent que chez les petits
Compte tenu de l'âge, parmi les travailleurs de petite taille, des troubles de l'audition sont rencontrés trois fois plus souvent que chez les plus grands. Enfin, dans le groupe des plus petits plus âgés, les hypertendus étaient plus souvent malentendants. En revanche, chez les grands, l'HTA n'avait aucune incidence sur l'audition et l'influence de l'âge se faisait moins sentir.
« Le perte d'audition neurosensorielle de l'adulte peut être programmée dès la naissance... Un mécanisme commun au retard de croissance foetale, aux affections cardio-vasculaires, à l'HTA et à la perte d'audition pourrait être représenté par un taux bas d'IGF-1 au cours de la vie foetale », rapportent les auteurs. D'ailleurs, soulignent-ils, les adultes qui ont un taux bas d'IGF-1 présentent souvent des symptômes de syndrome métabolique.
Puisque l'IGF-1 est un puissant mitogène, une réduction de la capacité d'optimisation de la vitesse du cycle cellulaire au cours du développement prend tout son sens. Ses conséquences pourraient en être un déficit en cellules sensorielles auditives, en cellules ganglionnaires et en neurones, à la naissance. Ce déficit entraînerait une perte d'audition précoce due à l'apoptose des cellules auditives soumises au vieillissement ou au bruit.
Les chercheurs suédois concluent sur un possible biais à leur étude. Comme l'HTA et l'hypercholestérolémie sont impliquées dans certaines surdités, de nouveaux travaux vont être entrepris dans ce sens.
« British Medical Journal », vol. 327, 22 novembre 2003, pp. 1199-1200.
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