A PEINE AVAIT-ELLE ANNONCÉ qu’elle serait candidate que Ségolène Royal, à la stupéfaction générale, décollait dans les sondages et dépassait les plus populaires des hommes de gauche, Bernard Kouchner, notamment. D’où vient l’engouement du peuple pour une femme qui a certes quelques mandats électoraux à son actif et même un titre de gloire (elle a enlevé une région censée appartenir à Jean-Pierre Raffarin), mais ne figure pas parmi les plus expérimentés des chefs socialistes ? D’autres femmes socialistes, par exemple Elisabeth Guigou ou Martine Aubry, semblaient la devancer dans la hiérarchie du parti, car elles ont exercé des fonctions importantes. La réponse est donc claire : c’est moins le programme, ou l’expérience, ou les fonctions, qui font de Ségolène Royal une force d’attraction, c’est le style.
C’est compliqué.
L’évaluation de la situation que crée le succès de sa candidature est compliquée par ses relations avec François Hollande, qui est le père de ses quatre enfants, mais ne cache pas vraiment qu’il pourrait, lui aussi, être candidat, de sorte que ce couple extraordinaire paraît du même coup extravagant : il n’y a qu’une présidence de la République, où le bon peuple verrait peut-être Mme Royal, avec M. Hollande en prince consort. D’autres imaginent une compétition pour la magistrature suprême entre l’un et l’autre, en quelque sorte des primaires conjugales, qui les obligeraient à se lancer des invectives. Il n’en sera rien : si l’on juge par leurs larges sourires, l’un – ou l’une – n’hésitera pas à se désister en faveur de l’autre. Mais ce sont les « éléphants » qui font grise mine : Laurent Fabius a tout de même trahi l’intégration européenne pour sortir du lot, tout ça pour périr d’un caprice de Ségolène ; Dominique Strauss-Kahn prépare tout un projet économique et social pour 2007 et se demande peut-être si ça en vaut la peine, Jack Lang est dépassé sur la voie où il se croyait seul : celle d’une république culturelle à la Vaclav Havel, toute en douceurs, et pas forcément productrice.
Une femme politique.
Mais rendons d’abord à Mme Royal ce qui lui appartient. Elle ne sera, ou ne serait pas, qu’une candidate de charme. Ses atouts de femme sont indéniables et expliquent sûrement l’enthousiasme des Français interrogés par les instituts de sondage. Elle a eu l’occasion d’exposer et d’appliquer des idées qui ne sont pas moins cohérentes que d’autres ; et sa féminité n’enlève rien à la méchanceté de ses commentaires sur l’action du gouvernement ni à l’agressivité de ses campagnes électorales. On se souvient, par exemple, qu’elle a mené avec une résolution irréductible son combat contre le bizutage dans les facultés. On sait aussi quelle féministe elle est et comment elle transcrit dans sa propre vie les principes de ce féminisme. On ne peut qu’admirer une femme jeune et belle qui a réussi à mettre au monde quatre enfants tout en restant sur le devant de la scène politique.
LE SERIEUX PAPAL DES COURANTS BOUSCULE PAR UNE CANDIDATURE A L'AMERICAINE
Bien sûr, on sera tenté de penser qu’une candidature Royal manquerait de consistance et qu’on ne discerne pas, derrière de séduisantes apparences, l’originalité du programme, si tant est qu’il y en ait un. Mais enfin, nous avons eu, depuis trente ans, des présidents tout ce qu’il y a de crédibles, ce qui ne nous a pas empêchés de souffrir de la crise économique et sociale pendant la même période. Comme les hommes les plus impressionnants et même les plus dévoués au bonheur du peuple français se sont cassé les dents sur les mystérieux blocages de la société française, on est amené à se dire qu’une jolie femme, par ailleurs souvent et bien élue, ne peut pas faire pire. Et même, qui sait ? qu’elle pourrait avoir de la chance et faire mieux.
Il est vrai toutefois qu’on ne peut tenir ce raisonnement qu’en désespoir de cause. Et bien qu’il soit impossible d’émettre le moindre soupçon sur l’éthique politique de Ségolène Royal, sa candidature doit être classée dans les tentatives populistes. En effet, elle a gravi les échelons jusqu’à présent en se soumettant à la discipline du parti, même si, comme d’autres hommes ou femmes politiques qui réussissent, elle doit ses succès à son propre talent. Mais voilà qu’elle s’adresse directement au peuple en annonçant sa candidature très tôt, bien avant le début de la campagne, et alors qu’elle ne figurait pas parmi les présidentiables. C’est donc qu’elle ne croit plus à la dynamique du parti, qu’elle s’en passe fort bien pour briguer la présidence, et que, dans le mouvement de cette vaste entreprise, elle entend se forger une stature nationale si, selon toute probabilité, elle échoue dans sa tentative en 2007.
Pas de plate-forme.
Cela fait, à n’en pas douter, quelques principes sacrifiés à une ambition personnelle : le parti bousculé, la confusion des candidatures parvenue au paroxysme, avec une pléthore redoutable et la présence d’un couple parmi les prétendants, une plate-forme totalement inconnue et qui a été précédée par l’affirmation d’une volonté qui relève plus de la politique à l’américaine que du sérieux papal des contributions socialistes. Mais enfin, c’est Ségolène Royal, ce n’est pas la générale Boulangère.
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