JOHN McCAIN souhaitait que son ami, Joe Lieberman, ancien candidat démocrate à la vice-présidence en 2000, figure sur son « ticket ». Le parti a récusé M. Lieberman, avec au moins un bon argument : il n'est pas républicain. M. McCain a ensuite proposé Tom Ridge, ancien gouverneur, également récusé par le parti. Le sénateur de l'Arizona a eu alors un coup de génie. Il avait repéré Sarah Palin, son franc-parler et sa jeunesse (42 ans). En lui proposant la vice-présidence (elle ne s'y attendait guère), il a pris un risque énorme. Un risque pour lui-même mais, s'il est élu, un risque pour l'Amérique : il ne serait pas surprenant que M. McCain ne termine pas son mandat pour des raisons liées à sa santé, et alors Mme Palin deviendrait présidente, poste et métier pour lesquels elle n'a aucune compétence. En ce moment, elle tente d'apprendre en quelques jours tout ce qu'elle ignore en géographie, en économie et en diplomatie pour pouvoir tenir tête aux journalistes qui l'interrogent et à Jo Biden, le candidat démocrate à la vice-présidence, avec lequel elle va avoir un débat. Il a une bonne chance de démontrer sa nullité.
L'erreur d'Obama.
En attendant, c'est la panique dans le camp d'Obama : Sarah a donné à John plusieurs points d'avance dans les sondages. Les démocrates américaines, qui soutenaient Hillary Clinton, sont tentés de franchir le Rubicon et de voter pour une femme mère de cinq enfants, vigoureuse, capable de diriger un État tout en gérant sa famille et qui peut faire un bon discours s'il est écrit par un conseiller de M. McCain. Celui-ci a compris que, en récusant Hillary Clinton, Barack Obama a commis une erreur majeure. Jo Biden lui-même, qui n'en est pas à une gaffe près, a récemment reconnu que Mme Clinton était plus qualifiée que lui pour la vice-présidence. Du coup, la candidature d'Obama, qui avait commencé par plonger les Américains dans l'extase, patine. Le charme est rompu.
McCAIN S'EST ADJUGE L'ATOUT DONT OBAMA N'A PAS VOULU
M. Obama ne peut s'en prendre qu'à lui-même : soucieux de rassembler le maximum d'électeurs, il s'est montré ces dernières semaines d'une prudence extrême, en choisissant l'élégance pour riposter aux attaques du camp républicain qui, pourtant, sont parfois diffamatoires ou vulgaires. La surprenante réflexion de Jo Biden, dont la nomination a été accueillie avec respect par les démocrates, montre que M. Obama aurait dû surmonter l'antipathie que lui inspire Mme Clinton et la désigner comme vice-présidente : personne ne nous a vraiment expliqué pourquoi elle a été exclue du ticket, quelle raison institutionnelle empêchait qu'elle y figurât. Il n'y en pas. Simplement, M. Obama craint comme la peste la présence de Bill Clinton dans le sillage de sa femme et peut-être aussi craint-il le talent du couple. Enfin, il ne fait pas de doute que Michelle Obama, l'épouse du candidat, n'est pas vraiment une tendre et qu'elle aura contribué pour beaucoup au rejet de Hillary.
À sept semaines de la consultation électorale, les démocrates n'avaient sûrement pas besoin du phénomène Palin. S'ils ont espéré que le « coup de génie » de M. McCain allait se retourner contre lui à cause de l'insuffisance patente de la gouverneur, il leur faut déchanter : les Américains, y compris les démocrates, voient en Sarah Palin une citoyenne qui leur ressemble, qui est simple, directe, capable de se dresser contre les lobbies, fière de ses idées, une all-american girl.
Une femme sincère.
On ne mesure jamais assez l'importance de la sociologie dans une élection, américaine ou non : bien qu'elle soit hostile à l'avortement et favorable au port d'armes pour les civils, Mme Palin n'est pas du genre à défendre ses idées avec fanatisme. Elle tolère des comportements différents des siens. Par exemple, elle s'est bien gardée de lutter personnellement contre les homosexuels dans son État.
Du coup, elle en devient presque supportable pour les femmes de gauche, qui n'ont toujours pas digéré l'ostracisme de M. Obama à l'égard de Mme Clinton et s'interrogent sur le calcul politique qui non seulement l'a conduit à se priver de l'atout qu'elle pouvait représenter, mais constatent que son adversaire lui fait payer très cher son erreur aujourd'hui.
Mme Palin n'est pas la première femme candidate à la présidence ; elle a été précédée par la démocrate Geraldine Ferraro, sur le ticket de Walter Mondale en 1984. M. McCain a donc repris à son compte une idée lancée pour la première fois par les démocrates ; et s'il l'a fait, c'est parce qu'il est lui-même un dissident du conservatisme qui aime en explorer les limites : Mme Palin a ce double avantage d'être une femme, mais aussi une femme de droite qui a préféré laisser naître son cinquième enfant, bien qu'il fût trisomique. Ce choix peut heurter certains, mais il l'ancre dans le combat contre l'avortement et témoigne surtout de sa sincérité.
M. Obama a eu tort de croire qua sa qualité de métis suffisait à produire le changement. S'il avait coopté Mme Clinton, M. McCain aurait peut-être engagé un Noir. Ou mieux : une Noire.
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