Il serait bien étonnant que le pétrolier français « Limburg » n'ait été victime que d'un accident, alors qu'on a vu une barge s'approcher de lui et que ce navire avait une double coque capable de résister à un choc violent.
On a tout lieu de penser au contraire qu'il s'agit d'un attentat, comparable à celui qui a coûté la vie à 17 marins américains lorsque le « USS Cole » a été endommagé par un Zodiac chargé d'explosifs, en 2000.
Le 11 septembre dernier, les services américains de renseignements annonçaient publiquement que des actes de terrorisme pourraient être commis contre des pétroliers. Il ne semble pas qu'ils se soient trompés, en dépit des dénégations des autorités yéménites, elles-mêmes engagées dans la traque des terroristes, mais dont les méthodes ne favoriseront pas l'enquête.
Le choix des priorités
Le facteur le plus important, dans la chute des valeurs boursières, c'est le prix du pétrole. Il continue à augmenter malgré une production soutenue, parce que les pays consommateurs craignent une guerre en Irak. Si le « Limburg » a été délibérément incendié, la preuve est fournie que la priorité n'est pas la bataille d'Irak, que George W. Bush veut déclencher à tout prix, mais la lutte contre le terrorisme.
La campagne d'Afghanistan a été utile, dans la mesure où elle a permis de semer le désordre dans les rangs d'Al Qaïda. Ses membres sont peut-être incapables, désormais, d'élaborer des actions identiques à celle qui a détruit les Twin Towers. Mais rien n'est plus facile que de mettre le feu à un pétrolier. Bien entendu, des mesures pour protéger l'approvisionnement de l'Occident en pétrole seraient très coûteuse. En outre, les compagnies d'assurances, appauvries par les attentats et les catastrophes naturelles de ces dernières années, risquent de renoncer à couvrir le risque pétrolier.
Il faudra bien, pourtant, établir la liste des priorités. L'état des bourses mondiales est si mauvais qu'on peut parler d'un krach « lent » qui a asséché l'épargne de millions de personnes. Les prévisions économiques pour l'an prochain sont d'autant plus aléatoires qu'un certain nombre de paramètres ne peuvent pas être établis : le niveau des investissements dans un monde qui a perdu quelques milliers de milliards, les effets d'une guerre, de nouveaux attentats contre des pétroliers, qui feraient grimper le cours du baril.
Le pessimisme actuel des acteurs de l'économie n'est pas plus crédible que l'optimisme de naguère, qui a conduit à l'explosion de la bulle financière. Mais il ne disparaîtra pas si des mesures ne sont pas prises.
M. Bush est le premier concerné : son obsession irakienne met en danger le niveau de vie des Américains. Son secrétaire au Trésor, toujours inerte et parfois inepte, doit être relayé par le président lui-même qui, plongé dans une crise irakienne qu'il a inventée de toutes pièces, n'a toujours rien à dire à ses concitoyens sur l'avenir de leurs emplois, de leur épargne et de leurs retraites.
La confiance ne reviendra pas aux Etats-Unis si l'administration, qui a vite transformé en déficits les excédents considérables laissés par Bill Clinton, ne prend pas rapidement des mesures de soutien à l'économie. Non pas des réductions d'impôts, mais une meilleure indemnisation du chômage (qui permettrait de consolider la consommation) et des dispositions pour favoriser les petites entreprises, dès lors que les grandes licencient à tours de bras et ont des comportements frauduleux.
Entre les canons et le beurre
Certes, il faut choisir entre les canons et le beurre. Il est tout de même curieux que M. Bush néglige des problèmes dont l'incidence sur l'économie est forte (comme l'incendie du « Limburg », qui a tué dans l'œuf toute tentative de reprise boursière), et qu'il consacre la totalité de son temps à ses préparatifs de guerre contre l'Irak, alors que se poursuit une guerre désastreuse entre Israéliens et Palestiniens, sans que le président des Etats-Unis ne prenne seulement la peine de la commenter - ni a fortiori de l'apaiser par quelque vigoureuse intervention personnelle.
Ce n'est donc pas tant l'unilatéralisme américain qui est dangereux que la concentration des efforts de M. Bush sur une seule cible, l'Irak, qui se traduit pas une sorte d'apathie ou d'absence à propos des autres dossiers, économiques ou diplomatiques. Le problème est d'autant plus grave que le président des Etats-Unis trouvera, vaille que vaille, une majorité d'élus pour soutenir la guerre contre Saddam Hussein après quelques échauffourées sans lendemain qui n'empêchent pas l'opposition démocrate de rejoindre le « patriotisme » de M. Bush à la veille des élections de novembre. Comme en outre le chef de l'exécutif a déjà mis l'ONU en demeure de rejoindre ses propres thèses ou de devenir un organisme sans influence que les Etats-Unis ignoreront, comme l'opposition des Français et des Allemands n'est pas considérée par Washington comme un obstacle majeur, comme les régimes arabes commencent à se résigner à l'inéluctable, on imagine que M. Bush ira au bout de son projet. Ce qui lui laissera un peu moins de deux ans, s'il gagne la guerre, pour réparer l'économie, renouer avec ses alliés, et se présenter en forme à un deuxième mandat. Mais ça, c'est l'hypothèse optimiste. Quand on pense à l'autre hypothèse, une guerre douloureuse ou perdue, une crise économique mondiale, la radicalisation de quelques régimes du monde arabe, on se demande si M. Bush a bien pesé les pour et les contre.
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