"Le raisonnement du pape ne peut pas être considéré comme un tournant révolutionnaire." C’est le Saint Siège lui-même qui a fait cette mise au point dimanche après-midi, en soulignant -comme s’il craignait d’en avoir trop fait- "le caractère exceptionnel" de l'éventuelle utilisation du préservatif. La précision plutôt restrictive du Vatican intervient alors que pendant tout le week-end les réactions positives des associations et intervenants contre le Sida ont salué ce changement de cap du pape. Samedi 20 novembre, on apprenait en effet que dans un livre d'entretiens ("Lumière du monde"), à paraître mardi, Benoît XVI, admettait, pour la première fois pour un pape, l'utilisation du préservatif "dans certains cas" (en l’occurence les hommes prostitués) "pour réduire les risques de contamination" avec le virus du sida.
Seule Act up a fait entendre une voix légèrement discordante: selon l’association, le pape Benoît XVI est "encore loin du compte" concernant l'usage du préservatif pour protéger contre le sida et l'exemple qu'il prend "reste très limité". Sur son site internet, Act Up en demande davantage du souverain pontife : "Il faut qu’il aille beaucoup plus loin, Il faut qu’il reconnaisse que les politiques d’abstinence et de fidélité sont des échecs et sont directement responsables de la mort et de la contamination de centaines de milliers de personnes"...
De leur côté, responsables et militants de la lutte contre le sida notamment se félicitaient plutôt dimanche des propos du pape. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a salué les déclarations de Benoît XVI, les jugeant "bienvenues" et "réalistes", dans un entretien au journal portugais Publico. "Cela montre que le pape et le Vatican ont pris conscience que le sida est une des maladies les plus graves au monde qui affecte des millions de vies et que nous devons travailler ensemble", a-t-il déclaré. Samedi, Michel Sidibé, directeur exécutif d'Onusida situait les propos du pape comme un "pas en avant significatif et positif du Vatican". "La brèche est ouverte", se félicitait également Gérard Guérin, un des responsables de l'association française Chrétiens et sida. Selon lui, "cela va permettre la libération de certaines personnes qui auraient pu avoir des doutes" sur l'utilisation du préservatif. Lundi matin sur France Info, Jean-Luc Roméro, président d’Elus Locaux Contre le Sida réagissait ainsi aux propos du pape: "Il était temps qu’il parle enfin d’amour et de vie. Mais il faut qu’il aille plus loin." Quant au ministre de la Santé, Xavier Bertrand, il a qualifié de "bonne nouvelle" les déclarations du pape et a salué cette "avancée". C'est "une étape importante", a-t-il déclaré dimanche sur BFM.
Jusqu'ici, le Vatican, opposé à toute forme de contraception autre que l'abstinence, réprouvait l'usage du préservatif même pour prévenir la transmission de maladies. Plusieurs conférences épiscopales, dont les évèques de France, avaient néanmoins ces dernières années déjà présenté le préservatif comme un moindre mal dans certaines situations. En février 1996, un document de la conférence des évèques de France reconnaissait ainsi pour la première fois que le préservatif était un moyen "nécessaire" à la prévention du Sida. Il est vrai que ce document de la Commission sociale de l’Episcopat intitulé "Sida, la Société en question" était signé de Mgr Albert Rouet, évèque de Poitiers, un des prélats les plus ouverts sur les questions de société au sein de l’Eglise de France, et qu’il avait impliqué pour sa rédaction des chrétiens professionnels de santé. La mise au point du pape était donc attendue d’un bon nombre d’évèques: "C’est une évolution et cela permet de faire comprendre que le pape n’est pas figé, conservateur; c’est un homme qui rélféchit beaucoup", se réjouissait lundi matin Mgr Riocreux, évèque de Pontoise, sur France Info. Cette évolution du discours papal devrait notamment dissiper le malentendu consécutif à son voyage en Afrique du printemps dernier. En mars 2009, Benoît XVI avait en effet soulevé une immense polémique en déclarant, lors d'un voyage au Cameroun et en Angola, que l'utilisation du préservatif "aggravait" le problème du sida." L’opinion publique s’était également émue le mois dernier des propos tenus par le primat de Belgique, Mgr Léonard, sur le Sida qui décrivait cette épidémie comme "une sorte de justice immanente."
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