TOUTE L'OEUVRE de Courbet est traversée de paradoxes, de contradictions, d'énigmes. C'est l'apanage des grands peintres. Son art est un mélange de conventions et de hardiesses. Courbet ne voulut pas autre chose que représenter «le vrai», mais il le transcenda. Formé au classicisme, il fut à l'origine du réalisme moderne. L'exposition livre un aperçu dense et harmonieux du foisonnement de son génie et de l'éclectisme des thèmes qui l'inspirèrent.
A ses autoportraits des années 1840 à 1855, où soufflent les relents du romantisme finissant (superbes autoportrait « le Désespéré » et « Autoportrait au chien noir »), succèdent les oeuvres inspirées par le terroir natal. Personnages et scènes anecdotiques (un chasseur, une « Mère Grégoire » expressive…) animent ces instants de la vie franc-comtoise. Déjà, une grande modernité habite ces oeuvres. « La Toilette de la morte » est une étonnante composition théâtrale, au réalisme exacerbé. Dans les portraits, l'austérité peut alterner avec le lyrisme. Ainsi la retenue du « Portrait de Juliette Courbet » contraste-t-elle étonnamment avec l'exaltation qui se lit dans les traits de « la Voyante », deux toiles réunies dans la même salle de l'exposition.
En cassant les codes.
Les célèbres chefs-d'oeuvre du musée d'Orsay – « Un enterrement à Ornans » et « l'Atelier du peintre » – sont là, qui disent le goût de Courbet pour la monumentalité, pour la «grande peinture», dans le respect de la tradition, mais toujours en cassant les codes de la représentation. Dans les « Trois Jeunes Anglaises à la fenêtre », l'espace est traité d'une manière audacieuse. La toile « Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants » pourrait presque, si l'on osait, être qualifiée d'hyperréaliste ! La série des grottes de la Loue et la « Barque du pêcheur » ont de puissants accents romantiques. Dans les sous-bois intimes de Franche-Comté, que Courbet perçoit à de nombreuses reprises, les ocres tirent sur le rouge, et l'on pense aux nabis. Les paysages de mer aux vagues agitées annoncent l'impressionnisme dans les émotions qu'ils charrient. Ceux qui, en revanche, affichent le calme sont traités par le peintre en aplats horizontaux qui évoquent irrésistiblement les grandes heures de l'abstraction. Et puis il y a les nus impudiques, ceux qui firent scandale, « Baigneuses », « Femme à la vague » et l'illustre « Origine du monde ».
A la fin de l'exposition, dans une salle remarquable, sont exposées les toiles de Courbet inspirées par la chasse (immense « Hallali du cerf », étonnant « Chasseur à cheval » dans lequel les pattes de l'animal sont synthétisées d'une manière singulièrement radicale).
On pourrait continuer longtemps à faire l'inventaire de toutes les ruptures, de toutes les révolutions, de toutes les dissonances qui se cachent sous la sagesse apparente du pinceau de Courbet. Jusqu'à ses dernières années, sa peinture questionne, intrigue, bouscule les codes. L'exposition se termine par l'évocation de l'épisode de la Commune, qui vit le peintre emprisonné et exilé. Courbet ne représenta pas l'événement dans ses toiles. Mais on peut lire dans les sujets qu'il traita alors, notamment les truites monstrueuses qui sont présentées ici, comme un désarroi et une violence auxquels cette page tragique de l'histoire de France n'est pas étrangère. Tout ce que nous a laissé Courbet a un sens très fort.
Galeries nationales du Grand Palais, 8e. Tél. 01.44.13.17.17. Tlj, sauf mardi, de 10 h à 22 h (jeudi jusqu'à 20 h). Entrée : 10 euros (TR : 8 euros). Jusqu'au 28 janvier * A voir aussi : dernier week-end pour l'exposition « L'apologie de la nature ou l'exemple de Courbet », jusqu'au 21 octobre au musée départemental Gustave-Courbet d'Ornans (tél. 03.81.62.23.30). * A lire : « Catalogue », Editions RMN, 472 p., 49 euros ; « Gustave Courbet », de Jean-Luc Steinmetz, Ed. Virgile, 14 euros ; « Courbet, un peintre à contre-temps », de Thomas Schlesser, Editions Scala, 128 p., 15 euros ; « l'Origine du monde. Histoire d'un tableau de Gustave Courbet », de Thierry Savatier, Editions Bartillat, 238 p., 20 euros.* A regarder : le DVD « Gustave Courbet » avec le film de Romain Goupil + des bonus, Ed. ARTE Vidéo-RMN, 24 euros.
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