Le patient asplénique : un sujet à risque infectieux majeur... et méconnu

Publié le 02/07/2003
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C omme l'a expliqué le Dr Mariane de Montalembert (CHU Necker - Enfants-Malades), les infections à pneumocoques sont la première cause de décès chez l'enfant drépanocytaire. Ce germe est en effet responsable de 50 à 90 % des infections sévères chez ces enfants et de 35 à 64 % des décès selon les séries.

D'une façon générale, le risque bactérien est maximal chez les enfants les plus jeunes dans les deux ans suivant la splénectomie et chez ceux qui souffrent d'une pathologie associée. Partant de ce constat et des résultats de différentes études, le Dr de Montalembert insiste sur le fait qu'il n'est pas envisageable de ne pas faire d'antibioprophylaxie chez ces enfants, cela cependant au moins cinq ans. D'autant que la colonisation par ces germes est très fréquente dans cette tranche d'âge. En outre, l'étude PROPES a bien montré que, même chez les enfants vaccinés, les infections à pneumocoques ne sont pas rares en l'absence d'antibioprophylaxie. En pratique, l'antibioprophylaxie doit faire appel à une molécule à spectre étroit, l'Oracilline. Elle est commencée dès que le diagnostic est posé, c'est-à-dire vers 2-3 mois chez les enfants qui ont bénéficié du dépistage néonatal. En France, depuis l'an 2000, il est organisé dans les populations à risque. Elle s'impose au moins cinq ans après la splénectomie et au moins jusqu'à l'âge de 5 ans chez les drépanocytaires en cas de complications ORL et/ou bronchiques ou d'antécédents d'infections à pneumocoques. En réalité, conclut le Dr de Montalembert, la durée de l'antibioprophylaxie est souvent plus prolongée.

La patient asplénique adulte

Numériquement, le problème posé par les aspléniques adultes est déjà loin d'être anecdotique, on l'a vu. Là encore, le risque infectieux est considérable, dominé par le pneumocoque, en sachant que le risque dépend du terrain et des comorbidités. Comme l'a rappelé le Pr J. Beytout (Clermont-Ferrand), le risque de mort par septicémie est multiplié par 200 chez les splénectomisés, les décès survenant en quelques jours et même souvent en quelques heures. Ce risque est important en fréquence et en gravité, même dans les splénectomies pour cause traumatique.
La majorité des infections et des décès surviennent dans les deux à trois ans suivant l'intervention, ce qui explique les recommandations françaises qui prévoient l'antibioprophylaxie systématique pendant deux à trois ans. Il faut cependant savoir que le risque ne disparaît pas par la suite, ce qui conduit les Anglo-Saxons à ne pas préciser de durée optimale de traitement.
Là encore, l'antibioprophylaxie repose sur l'Oracilline (deux millions d'unités en deux prises par jour) en sachant que cette prescription doit s'inscrire dans un programme global de prévention : information du patient, description des premiers signes d'une infection et consignes permettant le traitement précoce de cette dernière, description des situations exposant particulièrement à des infections (morsures d'animaux, piqûres...) et, bien sûr, vaccinations recommandées.
Le Dr Robert Cohen (CHI de Créteil) a particulièrement insisté sur ce point en montrant comment la vaccination et l'antibioprophylaxie étaient complémentaires, en particulier en ce qui concerne la lutte contre le pneumocoque. En effet, le vaccin conjugué, par comparaison au classique vaccin polysaccharidique, présente beaucoup d'avantages : vaccination possible dès les premiers mois de la vie, immunisation plus constante, intense et durable, efficacité à plus de 95 %. Le principal inconvénient vient du fait que, pour l'instant, on ne peut mettre dans ces vaccins conjugués que sept valences et qu'on pourra au mieux atteindre douze ou treize contre les vingt-trois des vaccins polysaccharidiques. Toutefois, le vaccin conjugué est efficace pour prévenir les infections dues aux germes les plus résistants aux antibiotiques : on comprend ainsi que le vaccin conjugué peut potentialiser une efficacité de l'antibioprophylaxie, les souches non contenues dans le vaccin étant dans l'immense majorité des cas sensibles à la pénicilline. En outre, les enfants drépanocytaires doivent bénéficier de beaucoup d'autres vaccinations, en particulier contre l'hémophilus B et le méningocoque du groupe C, l'hépatite, la grippe...

Une prévention qui commence au moment de l'intervention

Enfin, le Pr B. Vallet (CHRU de Lille) a rappelé que la prévention du risque infectieux devait commencer dès la période chirurgicale : en tentant de préserver le maximum de tissu splénique (splénectomie partielle), quand cela est possible et en instaurant une association vaccination-antibioprophylaxie. Idéalement, la vaccination devrait être faite six semaines avant l'opération (une vaccination restant possible soit le jour de la sortie, soit cinq jours après l'opération). Quant à l'antibioprophylaxie, le Pr B. Vallet préconise une injection préopératoire d'antibiotiques dont le spectre est adapté aux germes digestifs (céfoxitine, céfazoline...) en prenant le relais intraveineux par de l'amoxicilline, l'Oracilline étant administrée dès la reprise de l'alimentation.

Schwarz Pharma : une démarche originale

Comme l'a précisé Marie-Laure Pochon, P-DG de Schwarz Pharma, le Laboratoire développe actuellement plusieurs molécules nouvelles en particulier dans l'épilepsie, la maladie de Parkinson ou l'incontinence urinaire et l'HBP. Mais, à côté de cette recherche pharmacoclinique classique, Schwarz Pharma se caractérise par la volonté de poursuivre, avec des qualités d'experts multidisciplinaires, la recherche clinique sur des molécules déjà anciennes. Le développement de la nouvelle indication d'Oracilline dans la prophylaxie des patients aspléniques et la publication des convergences d'experts sur ce thème illustrent parfaitement cette démarche.
Il existe cependant d'autres exemples : obtention en décembre 2002 d'une nouvelle propriété de Nidrel 20 mg qui reconnaît les bénéfices apportés aux patients âgés hypertendus et diabétiques ; recherche active sur Seglor qui a fait l'objet d'un dépôt d'une double modification d'AMM à la fin 2002 et d'une publication très détaillée portant sur le mode d'action du produit dans le très sérieux « British journal of Pharmacology ».
Il reste que l'exemple des splénectomisés et de l'Oracilline est particulièrement démonstratif de la nécessité d'une telle recherche sur des molécules que l'on estime trop souvent aujourd'hui vouées aux génériques : en effet, dans le cas des splénectomisés et du risque infectieux qui est lié, on voit bien qu'il est important de chercher encore et de communiquer beaucoup plus sur la prise en charge optimale.

Dr A. M.

Dr Alain MARIÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7366