Contre
le Dr Armand Mégret (FFC)
(PQR Le télégramme)L'Agence mondiale antidopage (AMA), déplore le médecin- chef de la Fédération française de cyclisme (FFC), a imposé une méthode dont «on ne connaît pas les modalités d'application, on ne connaît pas le coût, on ne connaît pas la population cible, on ne sait pas si cela relève vraiment de l'antidopage, donc répression et sanction à la clé, ou si cela relève du médical, avec contre-indication médicale et no start (interdiction de départ) ».
Le médecin fédéral estime que «les outils de détection doivent être fiables et indiscutables». Il note que «le dopage n'est pas le seul risque pouvant être source d'anomalies biologiques et de problèmes de santé chez le sportif de haut niveau».
«La méthode de l'AMA est validée et publiée dans des revues scientifiques, soit. Mais, prédit le Dr Mégret, un tribunal, saisi par un coureur, désignera de nouveaux experts qui contesteront, des juristes qui trouveront des vices de forme.» Selon lui, «cette méthode manque de recul opérationnel, et surtout l'organisation, la méthodologie, le préanalystique, les techniques employées par les laboratoires, les kits utilisés, les protocoles et la réalisation n'ont pas été abordés».
En conclusion, le médecin dit craindre «que le cyclisme ne s'appuie sur cette grand-messe politico-médiatico-économique et qu'il pense que ses problèmes sont résolus avec cette méthode, alors que tout le monde ne semble pas l'avoir entendue de la même oreille».
Pour
Le Pr Gérard Dine (Institut biotechnologique de Troyes)
«Contrairement à ce qui a été annoncé lors du Sommet international de Paris, le cyclisme, en adoptant le principe du passeport sanguin, n'a pas effectué une avancée inédite dans le monde sportif, affirme le Pr Gérard Dine (président de l'Institut biotechnologique de Troyes et professeur à l'Ecole centrale de Paris). Le suivi longitudinal est une pratique déjà bien établie dans plusieurs disciplines, tels le rugby ou le tennis. Pour le ski, il est entré en vigueur dès les jeux Olympiques de Salt Lake City (2002) et il a donné encore toute satisfaction aux JO de Turin (2006) . Parler dans ces conditions d'un défaut de recul scientifique et pratique n'est pas de mise.»
Le biologiste du sport ne prétend pas cependant que le passeport sanguin représente la panacée pour déjouer toutes les pratiques dopantes. «Il nécessite toujours, explique- t-il, d'être adossé à un environnement institutionnel et technique irréprochable. Or on peut s'interroger sur le projet qui prévoit l'intervention d'un unique laboratoire, en l'occurrence celui de l'UCI (Union cycliste internationale) , à Genève. D'une part, en effet, il s'agit d'un laboratoire toxicologique et non pas d'un établissement de biologie clinique, comme il en existe plusieurs centaines en France, qui sont dûment agréés et ouverts à la pluridisciplinarité. D'autre part, s'agissant d'une structure qui appartient à l'UCI, la question se pose d'un conflit d'intérêt. On ne peut pas être à la fois juge et partie. En ce sens, les critiques du DrMégret s'inscrivent dans les relations très conflictuelles qu'entretiennent la FFC et l'UCI.»
S'agissant de la validité scientifique du passeport sanguin, le Pr Dine est catégorique : «Le temps où cette démarche suscitait des préventions est révolu, depuis dix ans qu'elle est opérationnelle.»
Sceptique
le Pr Michel Rieu (AFLD)
«Voilà des années que nous soulignons l'intérêt des méthodes de détection indirectes du dopage, rappelle le conseiller scientifique de l'Agence française de lutte contre le dopage. La signature biologique du dopage ouvre en effet une ère nouvelle pour confondre les tricheurs, alors que le repérage des substances interdites a ses limites. Mais, déplore le Pr Michel Rieu, le suivi biologique clinique, en l'état actuel de nos connaissances, reste un chantier considérable. L'affaire Landis l'a encore récemment montré: nous avions bien mis en évidence et de manière indubitable la présence de testostérone chez le cycliste américain, mais ses recours à des procédures de contre-expertise auraient pu aboutir. C'est dire que la preuve formelle et irréfutable de la tricherie reste difficile à apporter.»
Pour le conseiller de l'AFLD, «la détection, à partir du passeport sanguin, d'une anomalie, peut révéler une pathologie ou une pratique dopante. Par exemple, un cortisol effondré peut signaler une insuffisance surrénale fonctionnelle, qui est une pathologie à risque, aussi bien qu'un dopage aux corticoïdes. En l'état, c'est l'intime conviction du médecin qui tranche, comme pour toute anomalie dont on ne dispose pas de la preuve qu'elle est exclusivement liée à une prise de substance».
Au sein de l'AFLD, c'est le Pr Yves le Bouc (INSERM, Saint-Antoine), qui dirige un programme de recherche de longue haleine sur le sujet, en partie financé par l'AMA. En attendant ses conclusions, peut-être dans plusieurs années, les experts de l'AFLD ne cachent pas leur profond scepticisme quant à la mise en oeuvre, dès janvier prochain, d'un passeport sanguin supposé garantir un cyclisme propre.
Avec les félicitations du CIO
Intervenant avant la Conférence mondiale de Madrid, qui va réunir cette semaine les 70 pays signataires de la convention de l'UNESCO sur la lutte antidopage, le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, a tenu à «féliciter l'Union cycliste internationale» pour la mise en place du passeport sanguin décidée fin octobre lors du Sommet de Paris. Il a précisé que cette «avancée majeure» devait être maintenant copiée par d'autres fédérations internationales.
«Je comprends que ce n'est pas toujours facile pour les fédérations de changer leur règlement, a ajouté M. Rogge. C'est aussi une charge économique pour les petites fédérations de conduire des contrôles inopinés. Mais je suis sûr que tout sera en ordre le 1erjanvier 2009, pour l'entrée en vigueur du code mondial antidopage.»
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