Cinéma
En 1995, « Safe », métaphore sur le sida, révélait le cinéaste Todd Haynes, dont c'était le deuxième long métrage. Il a pour héroïne Julianne Moore : elle y incarne une femme ordinaire devenue allergique à tout ce qui l'entoure et qui finit dans un inquiétant centre de traitement new age.
Pour son hommage aux années cinquante et aux mélos flamboyants de Douglas Sirk (dont il cite abondamment « Tout ce que le ciel permet »), Haynes a choisi à nouveau la rousse Julianne, qu'il a transformée en blonde parce que c'est la couleur des héroïnes hollywoodiennes de cette époque et qui a même pris la voix de Doris Day. Elle est une épouse et une mère modèle dans un quartier de Hartford, en Nouvelle-Angleterre, où tout est beau (magnifiques couleurs ocres, rousses et brunes de l'été indien) et lisse.
Bien sûr, cet univers brillant et aseptisé (« safe », dans tous les sens du mot) va se craqueler sous les yeux ébahis de notre femme parfaite : son mari est attiré par les hommes et elle-même, au mépris des tabous de l'époque qu'elle a parfaitement intégrés, se lie d'affection avec le jardinier noir (on dit alors « Negro » et non « Afro-American »). De l'automne au printemps, l'univers de Cathy va se désintégrer sans qu'elle perde totalement ce sourire de bonheur qui est censé être la marque d'une société sûre d'elle-même et de ses valeurs.
Une société hypocrite à travers laquelle Todd Haynes a voulu dénoncer les travers d'aujourd'hui : « Le racisme existe toujours de nos jours et à un degré incroyable, dit-il. Les gens se retrouvent en conflit avec leur propre sexualité, même dans une société qui propose un peu partout des modèles "positifs". La race comme l'orientation sexuelle sont perçues par notre société comme génératrices de conflits. Ce sont des sujets totalement actuels. »
On ne dira pas le contraire. Reste que le souci de la reconstitution, du détail (même le rouge à lèvres devait avoir existé à l'époque), de la couleur figent quelque peu l'émotion et le propos. L'il s'attarde parfois autant sur les robes de Julianne Moore (un Oscar pour la costumière Sandy Powell ?) que sur son visage et le temps passé à admirer les nuances des feuilles de son jardin est volé à la participation aux affres de son personnage.
L'actrice est irréprochable (prix d'interprétation à Venise, nommée pour l'Oscar), tout comme Dennis Haysbert (le jardinier). Sa Cathy n'en paraît pas moins trop lointaine pour nous bouleverser vraiment.
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