COMMENT SE FAIT-IL que l'accès aux soins ressemble souvent à un «parcours du combattant» pour de nombreux patients en Ile-de-France, région pourtant dotée d'une offre importante et diversifiée ? Plusieurs médecins se sont efforcés d'expliquer ce paradoxe devant près de 1 000 fonctionnaires du fisc, à l'occasion d'une table ronde organisée par la Mutuelle des agents des impôts (MAI).
Pour le Dr Brigitte Thévenin-Lemoine, médecin-conseil à la direction régionale du service médical de l'assurance-maladie en Ile-de-France, l'accès aux soins de la population est d'abord compromis dans cette région par la densité de médecins généralistes qui y est inférieure à la moyenne nationale. Selon elle, la mission régionale de santé a identifié «16 zones déficitaires en médecine générale» parmi les zones de recours aux soins de 5 000 habitants. Autre obstacle à l'accès aux soins : la forte représentation du secteur II à honoraires libres chez les médecins libéraux franciliens (31 %, contre 14 % en moyenne dans la France entière). En outre, observe ce médecin-conseil, le taux d'infirmières par habitant en Ile-de-France équivaut à «la moitié du taux national», ce qui est «préoccupant» pour le maintien à domicile des personnes âgées.
Aux urgences de l'hôpital Saint-Antoine, le Dr Patrick Pelloux a déjà vu passer en quinze ans «trois générations d'infirmières». Beaucoup d'infirmières, épuisées par les conditions de travail hospitalières au bout de cinq ans, partent dans le secteur libéral, puis finissent par rendre leur blouse. D'où le recours aux infirmières étrangères, lesquelles représentent, avec les médecins à diplôme étranger, «des mannes assez simples» pour la direction de l'hôpital, constate le président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf).
Aux problèmes d'effectifs chez les soignants hospitaliers s'ajoutent «une permanence des soins désorganisée par le gouvernement précédent» et une réforme de la tarification à l'activité (T2A) qui «entraîne une sélection des malades», a souligné le médiatique urgentiste.
«En Ile-de-France, on est souvent confronté à un délai d'attente insupportable quand on a une pathologie lourde», a poursuivi le Dr Françoise May-Levin, ancienne cancérologue, chef de service à l'institut Gustave-Roussy et actuellement conseiller médical à la Ligue contre le cancer. Elle a regretté que le maillage des réseaux par pathologie ne soit «pas très serré», avec, par exemple, seulement «15réseaux oncologie, tous hors de Paris» et «14réseaux de soins palliatifs». Le Dr May-Levin a déploré aussi les «dépassements d'honoraires, y compris dans les hôpitaux parisiens, sans prévenir le malade».
Quand les patients ne se heurtent pas à l'obstacle tarifaire, ils subissent les effets de filières établies et n'accèdent pas à certains établissements réputés. Ainsi, le Pr François Laborde, chirurgien et chef du département pathologie cardiaque à l'Institut mutualiste Montsouris (IMM), reconnaît que les adhérents mutualistes ne représentent «pas plus de 20% des patients» pris en charge à l'IMM, car «beaucoup de médecins ont leur circuit» d'adressage.
Serge Brichet, président de la MAI, a fait valoir que les nouveaux «parcours de santé mutualistes» (lancés en 2006 par la Mutualité française) vont justement «essayer de mieux orienter le patient» en lui garantissant «le faire-savoir, après le savoir-faire».
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