La Cour des comptes juge que la réforme du parcours de soins coordonnés est « inaboutie » et s’étonne de l’absence d’évaluation médico-économique du dossier médical personnel (DMP) dans son rapport public annuel divulgué ce mardi 12 février.
• Un parcours de soins « essentiellement tarifaire »
Les sages de la rue Cambon épinglent le parcours de soins coordonnés (autour du médecin traitant) instauré par la loi du 13 août 2004. Certes 90 % des assurés ont déclaré un médecin traitant - à 95 % un généraliste - mais ce dispositif demeure « un parcours essentiellement tarifaire, au demeurant peu compréhensible ».
La Cour constate que la réforme a permis « une augmentation et une diversification progressive de la rémunération des médecins ». Pour autant, « la mise en cohérence avec le rôle reconnu au médecin traitant reste le point faible ». Quelque 91 % des actes médicaux ont été effectués dans le cadre du parcours de soins coordonnés en 2011. Ce bon résultat s’explique en partie par l’assimilation au parcours des protocoles de soins, des remplacements du médecin traitant et des actes relevant de la permanence des soins ou encore de l’accès direct dont bénéficient certains spécialistes (gynécologues, ophtalmologues, psychiatres...).
La Cour fait valoir que le parcours de soins, qui devait permettre de revaloriser le médecin traitant, a davantage profité... aux spécialistes. En 2011, les suppléments de rémunération induits par le parcours de soins ont apporté 310 millions d’euros aux médecins correspondants (spécialistes) contre 285 millions d’euros aux médecins traitants (essentiellement généralistes). « Ce constat est d’autant plus paradoxal que la création du médecin traitant visait à revaloriser le rôle du médecin généraliste en lui donnant une fonction de pivot », note la Cour.
Dernier écueil, le parcours de soins a contribué à une « hausse non négligeable du reste à charge des assurés », de 8,8 % à 9,6 % du coût des soins entre 2004 et 2011. Dans sa réponse à la Cour, la CNAM conteste cette analyse, estimant que cette évolution est à mettre sur le compte des franchises, de la hausse du forfait hospitalier, ou du déremboursement des médicaments à SMR insuffisant.
Le parcours de soins, résume le Cour, est parfois un parcours du combattant pour l’assuré qui se perd dans le labyrinthe tarifaire avec les participations forfaitaires et franchises qui ont brouillé les pistes.
Si la fonction de médecin traitant va bénéficier de nouveaux forfaits (dont celui de 5 euros pour les patients hors ALD) à la faveur de l’avenant 8, la réforme du parcours de soins demeure « inaboutie » selon la Cour. Les sages plaident pour la généralisation d’une « médecine de parcours », défendue par le gouvernement, le déploiement du DMP et une simplification du parcours administratif.
• Le DMP ni efficient ni évalué
Dans un volet d’une cinquantaine de pages consacré aux téléservices publics de santé dont le pilotage demeure « insuffisant », la Cour considère que le dossier médical personnel (DMP) doit bénéficier d’un développement plus soutenu. Disponible sur Internet depuis 2011, le DMP ne dispose toujours pas d’un cadre réglementaire consolidé. Un décret devant définir son contenu et son champ est toujours en attente. Fin 2012, quelque 260 000 dossiers avaient été ouverts, rappelle la Cour, qui déplore que « l’efficience du dispositif » n’ait pu être mesurée, « faute notamment d’un volume suffisant de documents saisis ».
La Cour observe que le coût de développement du DMP a été d’au moins 210 millions d’euros entre 2004 et fin 2011 (le quart pour des expérimentations sans lendemain).
Elle regrette que les effectifs affectés au DMP par l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) aient été diminués alors qu’il conviendrait de les gonfler « pour rentabiliser l’investissement ». « L’analyse des temps de création et d’alimentation par les médecins d’un dossier demeure insuffisante », jugent les sages.
Enfin, d’anciennes recommandations de la Cour n’ont pas été suivies d’effet quant à la standardisation des logiciels sur les postes de travail. Pour l’institution de la rue Cambon, « l’absence d’une méthode d’évaluation médico-économique est très anormale ». Parmi leurs recommandations, les sages demandent d’identifier les coûts liés au DMP et de les comparer aux gains d’efficience qu’il permet de réaliser.
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