Par le Dr ANNE TARDIVON*
LORS DU déploiement national du dépistage organisé en 2004, son utilisation n'a pas été autorisée du fait d'un nombre insuffisant d'études statuant sur ses performances (le rapport de la Haute Autorité de santé – HAS – de décembre 2000 concluait sur l'intérêt de cette technologie en termes de détection et de fonctionnalité avec une introduction inéluctable à plus ou moins brève échéance). Mais, surtout, du fait de l'absence d'un contrôle qualité des machines alors que ce dernier était obligatoire pour les appareils conventionnels (technique analogique) et ce quelle que soit l'indication de l'examen. De plus, certains capteurs ne permettaient la réalisation de clichés 24 x 30 cm.
À cette époque, la technologie numérique était encore en plein essor et l'étude nord-américaine DMIST (comparaison des techniques mammographiques analogique et numérique chez 42 760 femmes en situation de dépistage) était en cours. La publication de ses premiers résultats en octobre 2005 dans le « New England Journal of Medicine » démontrant l'équivalence entre analogique et numérique (l'étude ayant inclus toutes les technologies numériques disponibles) a relancé l'évaluation aboutissant logiquement à un avis favorable pour l'introduction du numérique dans le cadre du dépistage organisé en France (1).
Prérequis.
Cependant, ce rapport émettait des prérequis à l'introduction de cette technologie : contrôle qualité des appareillages et publication d'un avenant précisant les recommandations techniques et les modalités de formation des professionnels. Concernant le contrôle qualité, le travail était déjà en cours à l'échelon européen aboutissant, en France, à la publication au « Journal officiel » du 11 mars 2006 des modalités de ce contrôle (décision du 30 janvier 2006). Parallèlement, les contrôleurs étaient formés avec publication de la liste des sociétés agréées pour le contrôle externe des appareils numériques (AFSSAPS). Concernant l'avenant, le parcours fut plus compliqué pour des raisons administratives et politiques : groupe national de suivi du dépistage auprès de la DGS dissous en 2006, création de l'Institut national du cancer, création d'un nouveau groupe national de suivi, changement de gouvernement… Ainsi, l'autorisation du numérique dans le dépistage organisé, annoncée en octobre 2007 par Mme Bachelot-Narquin, ministre de la Santé, a vu le jour officiellement début 2008 (arrêté du 24 janvier 2008 et publication au « Journal Officiel » du 5 février 2008). La formation des radiologues au numérique a débuté en juin dernier et respectera donc l'objectif de former tous les radiologues d'ici à deux ans (nombre estimé à 2 000).
Cette formation est à la fois théorique et pratique avec des ateliers sur console permettant la compréhension et l'interprétation de l'image mammographique numérique (contrôle qualité interne, résolution spatiale, artefacts, protocole de lecture et utilisation des outils numériques). Elle devrait faciliter la prise en main de cette technologie pour les confrères qui attendaient cette autorisation pour s'équiper. En effet, malgré un investissement beaucoup plus coûteux qu'un appareil analogique, le passage de la mammographie au numérique présente de nombreux avantages en termes d'ergonomie de travail (capteurs plans sans manipulation de cassettes par exemple, travail sur console) tout en évitant les contraintes du film argentique (stockage, chimie). Cependant, sachant que les deux techniques vont cohabiter encore plusieurs années et qu'il n'était pas question de retarder l'introduction du numérique, la seconde lecture des examens réalisés s'effectue toujours sur film (film laser pour le numérique) en attendant des études sur les scénarios organisationnels qui permettraient de profiter pleinement des avantages de la technologie numérique : transfert des images, stockage des images, première et seconde lecture sur console.
Des expériences en cours.
Des expériences sont en cours à l'échelon local (expérience de Poitiers, par exemple, avec deux centres équipés en numérique). Le passage au « sans film » se révèle complexe et prendra du temps : système français décentralisé (organisation départementale), nombre important d'acteurs, parc numérique hétérogène posant le problème de compatibilité entre constructeurs… L'expérience des Pays-Bas ayant basculé cette année au tout-numérique dans un système centralisé donne une idée de la complexité et des problèmes à surmonter avant d'être efficient dans un tel scénario. En attendant, la vigilance est requise pour s'assurer du respect de l'avenant (versant technique) et de l'équivalence des performances diagnostiques. Pour cela, la fiche d'interprétation a été modifiée intégrant l'information sur la technologie utilisée et une veille est mise en place par le groupe de suivi pour s'assurer de la compréhension des recommandations en lien avec les structures de gestion et de l'absence de dérives sur certains indicateurs clés du programme.
L'introduction du numérique dans le dépistage organisé devrait améliorer l'intégration des femmes dans le programme et permettra une amélioration de la qualité comme nous l'a prouvé l'expérience de l'analogique. À côté du problème de santé publique que représente le cancer du sein, cette technologie offre des possibilités diagnostiques nouvelles : les systèmes experts (CAD) sont déjà très avancés et évalués dans le processus de seconde lecture ; d'autres sont en cours d'évaluation, tels que la tomosynthèse (imagerie en coupe) et l'angiomammographie (étude de l'angiogenèse par injection de produits de contraste iodé).
* Service de radiologie de l'institut Curie, Villejuif.
(1) Rapport de la HAS : place de la mammographie numérique dans le dépistage organisé du cancer du sein, décembre 2006.
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