DE NOTRE CORRESPONDANTE A LYON
L’HÔPITAL n’est plus un sanctuaire : la violence y serait presque ordinaire. Lors du congrès qui a réuni à Lyon plus de 2 500 professionnels de la santé au travail, une étude fort instructive a été présentée dans le cadre d’une session entièrement consacrée à la violence au travail. Conduite à l’initiative du service de médecine du travail du centre hospitalier régional universitaire de Lille, en collaboration avec la cellule d’urgence médico-psychologique (Cump) du Samu 59, cette étude porte sur les agressions subies par le personnel dans dix-sept services publics d’urgences du Nord, sur une période de douze mois. Plus de 2 200 personnes, toutes catégories professionnelles confondues, ont été invitées à remplir un questionnaire fermé.
Les infirmiers d’abord.
Selon les résultats de l’enquête, dont le taux de participation s’élève à 57 %, «70,6% des personnes qui travaillent dans les services d’urgences ont été victimes d’actes violents et 90,8% en ont été témoins», a rapporté Sylvie Molenda, du Samu 59. Les infirmiers constituent la catégorie professionnelle la plus exposée (80,2 %). Si les femmes sont le plus souvent victimes d’actes de violence verbale, les hommes subissent plus d’actes de violence physique.
Questionnés sur les causes de ces agressions, les soignants ont mis l’accent sur des attentes trop longues (81 %), les pathologies addictives (71 %) et le manque de personnel (65 %). Les violences peuvent être lourdes de conséquences : 176 personnes ont indiqué avoir ressenti des difficultés psychologiques et 152 le besoin d’être aidé. Pourtant, les personnes interrogées ont été peu nombreuses à remplir une fiche de déclaration d’« événement indésirable » bien qu’elles en connaissent en majorité la procédure. En fait, «14% des enquêtés estiment que ces actes font partie du travail normal et 12% n’ont même pas eu l’idée de déclarer les incidents», a précisé Sylvie Molenda, qui souligne que la violence serait donc sous-estimée.
Prévention.
Si les services d’urgences sont particulièrement exposés du fait de «violences importées», principalement par des patients atteints de pathologies addictives, ces faits ne méritent pas d’être banalisés pour autant. D’ailleurs, «de plus en plus de publications font état d’interventions de médecins du travail, fondées sur une démarche clinique spécifique en santé au travail, afin d’aider réellement les salariés victimes de violence dans le processus de reconstruction de leur santé», rappelle de son côté le Dr Gérard Lasfargues, médecin du travail à la faculté de médecine et CHU de Tours.
La clinique médicale du travail était au coeur de la réflexion des congressistes. La loi de modernisation sociale de 2002 qui a intronisé les « services de santé au travail » a rendu obligatoire la pluridisciplinarité. Les médecins du travail cèdent donc progressivement du terrain à toutes sortes de « personnes chargées de la prévention », infirmiers, ergonomes ou psychologues, pour se recentrer sur leur champ spécifique : le versant clinique de l’activité. C’est le défi qu’ils se proposent de relever.
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