Le fait du jour
La droite n'a pas de chance : quand elle est au pouvoir, le pays va mal. C'est cette coïncidence entre ses prises de responsabilités et une conjoncture défavorable qui lui a apporté de cruelles défaites, comme en 1997. Il en va de même aujourd'hui : si la gauche a perdu les élections de l'an dernier pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec l'économie, la droite majoritaire se retrouve en 2003 avec un ralentissement de la croissance qui rend le pays difficile, sinon impossible à gérer.
D'autant plus difficile que la gauche a laissé l'un de ces héritages qui, loin de réjouir les héritiers, sont fiscalement plus coûteux que ce qu'ils rapportent. Semaine de 35 heures, CMU, AMA et autres sont immensément populaires, de sorte que leur financement est chaque jour plus élevé : bon nombre de médecins, par exemple, dénoncent l'usage parfois abusif qui est fait de la couverture maladie universelle : des patients qui ne consultaient jamais multiplient les rendez-vous depuis que la consultation ne leur coûte rien.
Une caricature de la protection sociale
C'est l'extension caricaturale de l'assurance-maladie, système magnifique quand il est utilisé à bon escient, mais désastreux quand il favorise le nomadisme médical ou quand il est mis au service de l'hypochondrie.
Ajouté à une croissance très insuffisante, que les perspectives de guerre en Irak ne peuvent que détériorer, cet héritage écrase les initiatives du gouvernement Raffarin. Il s'ensuit une dispute entre la France et la Commission de Bruxelles, qui nous reproche des dépassements du déficit budgétaire pour l'année écoulée et pour l'année en cours et nous menace de sanctions si nous ne diminuons pas ces déficits.
L'affaire concerne Jacques Chirac au premier chef. C'est lui qui avait annoncé, pendant sa campagne électorale, une diminution de 30 % en cinq ans de l'impôt sur le revenu (IR). La sagesse exige qu'il renonce à sa promesse. En 2002, l'IR a été réduit de 5 % ; en 2003, il sera diminué de 1 % seulement, mais le gouvernement continue à dire qu'il s'efforcera de parvenir à une réduction de 30 % sur la période 2002-2006.
Si le ministre de l'Economie, Francis Mer, tient bon sur ce point et en dépit de quelques réalités irrécusables, c'est parce que le président de la République sait ce qu'il en coûte de trahir une promesse électorale. « Lisez-le sur mes lèvres, disait George Bush (le père) en 1988. Il n'y aura pas d'augmentation d'impôts. » Une fois élu, M. Bush augmenta les impôts et fut battu en 1992.
De même que la croissance nous a fait défaut, elle peut revenir en force. Un scénario optimiste prévoit que, au lendemain d'une guerre vite gagnée contre l'Irak, les marchés financiers bondiront si vite et si haut que les épargnants, riches de nouveau et rassurés, se remettront à consommer, d'autant que le prix du pétrole reviendra à un niveau confortable pour les pays consommateurs. Le scénario pessimiste envisage une guerre longue, une recrudescence du terrorisme, l'affaiblissement de tous les métiers liés au tourisme, et une prolongation de la crise économique au-delà de 2003.
En vérité, on n'en sait rien, et l'incertitude de tous les paramètres doit conduire la France à une prudence extrême. On doit prévoir le pire, tout en espérant une divine surprise.
Un appel pour la forme
Ce qui est certain, c'est qu'on ne créera pas des emplois en France par l'incantation. Il y a une quinzaine de jours, M. Chirac a lancé un appel à la mobilisation générale contre le chômage : on a vu quel effet prodigieux il a eu. Il n'existe qu'un remède, d'ailleurs bien imparfait, contre une conjoncture qui détruit des emplois : le système social compensatoire. Et si les inventeurs du pacte de stabilité européen ne l'ont pas compris, c'est qu'ils n'auraient pas appris, en lisant Keynes, que le budget (déficit, équilibre ou excédent) est le seul instrument dont un gouvernement dispose pour s'adapter à la conjoncture.
Or le ralentissement de la croissance atteint les membres de l'Union européenne à peu près de la même manière, avec de faibles variations dans les taux de chômage, de déficit et d'inflation (si toutefois on n'inclut pas la Grande-Bretagne, dont la santé est insolente mais qui, selon les analystes, va ressentir bientôt les effets de la crise).
Il appartient donc au Conseil européen, sinon à la Commission de Bruxelles, d'assouplir les critères de Maastricht non seulement pour la France, mais pour l'Allemagne, l'Italie et d'autres pays. Qu'attend-on pour prendre cette sage décision ? Certes, le risque est d'ouvrir une brèche dans laquelle s'engouffreraient avec joie des Etats capables, pour des raisons politiques et non plus sociales, de dépenser plus que de raison, et d'augmenter des dettes nationales déjà trop élevées. Mais la perspective d'un taux de chômage à 12 % en Europe n'est pas non plus réjouissante.
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