De notre correspondante
à New York
Jusqu'à présent, 111 cas du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ) ont été confirmés au Royaume-Uni. Ces patients ont probablement contracté la maladie en consommant des aliments infectés par l'agent de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), avant l'interdiction des farines animales au Royaume-Uni, décrétée en 1989.
Le nombre d'animaux qui ont été infectés par l'ESB pourrait être de 900 000 à 1,13 million, et 470 000 d'entre eux seraient entrés dans la chaîne alimentaire. Le début de l'épidémie pourrait se situer dès 1980, et le nombre de personnes qui ont été exposées à des doses potentiellement infectieuses par l'alimentation pourrait être extrêmement élevé.
Face à ce risque, la réponse en Europe a consisté à développer des mesures et des tests diagnostiques pour éviter, autant que possible, l'entrée d'un animal infecté dans la chaîne alimentaire. Mais on ignore toujours quelles seront les conséquences de cette épidémie en termes de maladie humaine. Depuis la première estimation, en 1997, selon laquelle l'épidémie ferait au total entre 70 000 et 80 000 victimes, les chiffres valsent et les projections ont fait le grand écart.
Une grande inconnue : la période d'incubation
Ces estimations reposent essentiellement sur des suppositions concernant la période d'incubation moyenne. Or aucune étude ne fournit des données précises pour cette période d'incubation. Alain-Jacques Valleron (INSERM U444, hôpital Saint-Antoine, Paris) et coll. proposent maintenant dans « Science » une nouvelle projection, l'une des plus optimistes, dont le chiffre maximal est fortement revu à la baisse.
L'équipe de Valleron a pris en compte l'âge remarquablement jeune des victimes de la nvMCJ. Ces patients sont décédés en moyenne à l'âge de 28 ans. Seulement 6 des 90 patients décédés étaient âgés de plus de 50 ans (par rapport à 93 % des cas de MCJ sporadique).
Un point frappant :la plupart des victimes sont jeunes
Pour expliquer que la plupart des victimes sont jeunes, les chercheurs ont supposé que les jeunes sont davantage susceptibles à l'infection. En prenant arbitrairement l'âge de 15 ans, ils ont supposé que, avant cet âge, tous les enfants susceptibles ont la même probabilité annuelle de devenir infectés, alors que, après 15 ans, cette probabilité diminue de façon exponentielle.
Le modèle suppose, en outre, que toutes les infections soient survenues entre 1980 et 1989 et que la distribution logarithmique de la période d'incubation soit normale (notion souvent utilisée dans l'épidémiologie des maladies infectieuses).
Le modèle donne ainsi une période d'incubation moyenne du nvMCJ de dix-sept ans (avec un IC 95 % de douze à vingt-trois ans). La susceptibilité à l'infection chez les sujets exposés baisserait rapidement après l'âge de 15 ans (16 % par année d'âge). Avec ces hypothèses, un individu âgé de 20 ans en 1981 avait un risque d'être infecté inférieur de 55 % à celui un enfant âgé de 15 ans.
Un pic situé en 2000-2001
Le modèle projette que le pic de l'épidémie se situe en 2000-2001 et que le nombre annuel de cas devrait progressivement diminuer dans les années à venir. Le nombre total de cas attendus de nvMCJ, dans ce modèle, est de 205 (limite supérieure de l'IC 95 % : 403).
Enfin, une autre prédiction du modèle est que, dans les prochaines années, la distribution d'âge des patients deviendra bimodale et que la proportion des patients plus âgés augmentera.
« Science » du 23 novembre 2001, pp. 1726 et 1663.
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