LE NOYAU sous-thalamique (NST), une région du cerveau située sous le thalamus, reçoit beaucoup d'attention depuis dix ans en tant que cible neurochirurgicale. Son inactivation par stimulation à haute fréquence permet en effet de traiter avec succès la maladie de Parkinson chez les patients difficiles à équilibrer sur le plan médicamenteux.
Si l'inactivation du NST est principalement utilisée pour améliorer les symptômes moteurs, des observations préliminaires, expérimentales et cliniques ont suggéré que cette structure pourrait aussi jouer un grand rôle dans la modulation de la motivation. De plus, cette structure semble sensible aux drogues, puisque des injections répétées de cocaïne produisent une baisse d'activité métabolique dans le NST.
Le Dr Christelle Baunez (laboratoire de neurobiologie de la cognition, Cnrs à Marseille) et ses collègues ont cherché à savoir si le noyau sous-thalamique pourrait moduler différemment la motivation pour les renforceurs naturels (comme la nourriture apportant du plaisir) et la motivation pour les renforceurs pharmacologiques (drogues addictives).
Rappel : les renforceurs sont tous les événements qui facilitent l'acquisition d'un comportement. Par exemple, une boisson sucrée est un renforceur pour le rat, parce qu'il en raffole et qu'il apprend très vite à appuyer sur une pédale pour en obtenir. De même, les produits addictifs sont des renforceurs parce qu'ils poussent l'individu à répéter leur consommation.
Nourriture ou cocaïne.
Les chercheurs ont entraîné des rats à appuyer sur une pédale afin d'obtenir la récompense, soit une boulette de nourriture, soit une dose de cocaïne.
Ils ont ensuite opéré les rats afin d'inactiver leur NST, en créant une lésion bilatérale par injection de produit excitoxique dont l'effet est fonctionnellement similaire à la stimulation à haute fréquence.
Puis ils ont analysé les motivations pour la récompense alimentaire et la récompense par cocaïne.
Le constat est que la lésion bilatérale du NST a un effet opposé sur la motivation pour la nourriture et la cocaïne. Les rats porteurs de lésions du NST travaillent en effet plus dur pour obtenir une récompense alimentaire, mais beaucoup moins pour obtenir une récompense de cocaïne. Parallèlement, la lésion du NST augmente la préférence pour un environnement préalablement associé à la nourriture tout en diminuant la préférence pour un environnement associé à la cocaïne.
Ainsi, le NST pourrait exercer un contrôle inhibiteur sur le circuit renforceur naturel, tandis qu'il activerait le circuit cocaïne.
Ces résultats « ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement de traitements spécifiques et efficaces pour l'abus de drogues », concluent les chercheurs. « Des manipulations qui abaissent l'activité du NST pourraient représenter une nouvelle stratégie thérapeutique pour la toxicomanie ».
L'exemple de deux patients parkinsoniens.
« Il pourrait être tentant de proposer l'inactivation du NST comme traitement possible de la dépendance à la cocaïne », déclare au « Quotidien » le Dr Christelle Baunez. « Deux cas de patients parkinsoniens qui étaient dépendants à leur traitement L-Dopa ont stoppé toute prise médicamenteuse après leur chirurgie dans le NST (un article est sous presse dans « Movement Disorders »), ce qui est très intéressant par rapport à nos résultats », remarque-t-elle. « J'ai bien conscience du danger de proposer une chirurgie comme solution, mais plusieurs équipes testent déjà les effets de la technique de stimulation à haute fréquence dans le cerveau pour traiter les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), l'obésité, etc... ».
L'équipe poursuit l'étude lésionnelle chez le rat avec l'héroïne et l'alcool.
Leur prochain objectif est de mieux comprendre la dissociation entre « la récompense naturelle » versus « les drogues d'abus ». Et de tester chez le rat l'effet de la stimulation à haute fréquence du NST sur ces aspects motivationnels.
« Nature Neuroscience », 28 mars 2005, DOI : 10.1038/nn1429.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature