LA LOI DE SANTÉ publique du 9 août 2004, la loi bioéthique du 6 août 2004 et leurs textes d'application ont modifié le cadre juridique de la recherche biomédicale pour être en conformité avec la directive européenne de 2001 sur les essais cliniques de médicaments. Ce nouveau cadre juridique, qui s'est substitué au dispositif issu de la loi du 20 décembre 1988, dite loi Huriet-Sérusclat, a conduit, selon François Lemaire, chargé de mission auprès du ministère de la Santé sur ce dossier, «au renforcement de la protection des patients, mais aussi à un accroissement de la charge réglementaire. Le paysage a été très chamboulé depuis 2002, et les textes se sont empilés les uns sur les autres. Il est devenu nécessaire d'introduire une simplification pour permettre à la recherche de continuer. Aujourd'hui, le projet de révision est prêt. Pour des raisons de cohérence, il a été exclu de la loi présentée par Mme Bachelot. Nous sommes aujourd'hui à la recherche d'un véhicule législatif adapté». Voici les grandes lignes de la réforme.
Donner un cadre unique à toute recherche sur la personne avec un facteur commun : l'avis obligatoire du comité de protection des personnes (CPP)
Actuellement, il existe trois catégories de recherches sur l'être humain : les recherches biomédicales, correspondant à l'ancien cadre des lois Huriet-Sérusclat ; les recherches «visant à évaluer les soins courants», issues de la loi de santé publique de 2004 et qui concernent des recherches «ne comportant que des risques et des contraintes négligeables»; et les recherches non interventionnelles ou observationnelles (suivi de cohortes), exclues du champ réglementaire. Face à cet ensemble hétérogène qui résulte de l'évolution de la loi de 1988, il est nécessaire de retrouver un cadre commun, indique François Lemaire.
La loi de 1988 définit précisément ce qu'est la recherche biomédicale : «Ce sont des recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales généralisables.» Cette définition très large permet d'englober également le champ des recherches non interventionnelles. Pourquoi vouloir définir un socle commun ? «Aujourd'hui, l'immense majorité des CPP refusait de donner un avis sur les projets de recherche non interventionnelle puisque cela ne s'inscrivait pas dans leur rôle. Cette situation pénalisait les chercheurs français puisque les revues internationales demandent, de plus en plus systématiquement, pour toute publication de recherche, l'avis d'un “comité éthique de la recherche”. Après la révision de la loi, les CPP devront donner leur avis sur toute recherche sur la personne. D'après le flot actuel des projets, je pense que ce sera possible.»
Établir trois catégories de recherche, en fonction du niveau de risque encouru par les personnes
À l'intérieur du corpus commun, trois catégories de recherche seront définies, avec des procédures de contrôle et de protection différentes, modulées «en fonction du niveau de risque et de l'existence ou non d'une intervention liée spécifiquement à la recherche», explique le chargé de mission.
– Premier niveau : les recherches interventionnelles, qui modifient la prise en charge, de façon majeure et risquée, comme un nouveau médicament. Extrêmement contrôlé, ce régime reprend les dispositions actuelles des recherches biomédicales, notamment la nécessité d'obtenir une autorisation de l'autorité compétente devenue unique, l'AFSSAPS.
– Deuxième niveau : les recherches ne comportant «que des risques et des contraintes négligeables» comme un examen radiologique non invasif, une simple prise de sang ou encore une randomisation. «Ce sont des recherches qui visent à évaluer non pas des pratiques, ce qui est du ressort de la Haute Autorité de santé, mais bien un changement de ces pratiques, précise François Lemaire, notamment en fonction des recommandations de sociétés savantes ou de consensus divers.Ce régime doit rester un régime allégé, sans autorisation de l'autorité compétente. Mais pour l'être véritablement, il faut le faire bénéficier des simplifications accordées aujourd'hui à la recherche biomédicale, notamment celles concernant les collections biologiques associées et la déclaration à la CNIL.»
– Troisième niveau : les recherches non interventionnelles comme des suivis de cohortes. C'est une recherche dont le cadre réglementaire doit être hyperlight, selon le Pr Lemaire, nécessitant simplement l'avis du CPP, «ce qui permettra la soumission aux grandes revues scientifiques internationales et évitera la multiplication des comités éthiques de la rechercheautoproclamés».
Créer une « tête de réseau » des CPP
Les CPP – anciennement « comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale » (CCPPRB) – sont des acteurs essentiels du dispositif d'encadrement de la recherche biomédicale. Au nombre de quarante, ce sont des structures paritaires comprenant des représentants du monde du soin médical et des non-spécialistes (représentants des malades, juristes et membres de la société civile). Ils sont composés de bénévoles «qui font un vrai travail de volontaires. Mais le manque d'homogénéité des comités est déploré par bon nombre de promoteurs», confirme François Lemaire, qui suggère que leur harmonisation passe par une formation de leurs membres. «La “tête de réseau” des comités a d'ailleurs été demandée par Claude Huriet dans son rapport au Sénat en 2001 et a été redemandée par l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) en 2006. Rien n'a encore été décidé sur la forme administrative de cette future structure. Elle travaillera de toute façon en étroite synergie avec l'actuelle Conférence des comités, la CNCP».
Modifier la déclaration des collections de produits biologiques
«Aujourd'hui ce dispositif de déclaration mis en place en 2004 est tellement embrouillé qu'il ne fonctionne pas», assure François Lemaire. Cette déclaration dépend à la fois de la Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du ministère de la Recherche et de la Direction générale de la santé. «La proposition consiste à séparer clairement les deux processus. Les organismes pourraient déclarer les collections au ministère de la Recherche de façon à assurer la traçabilité de ces collections et de permettre à la DGRI de vérifier leur qualité technique. Aux CPP de vérifier la pertinence générale des collections et les conditions de l'information et du consentement des personnes à l'origine de ces collections.»
Les principes actuels
Parmi les ajouts au dispositif de la loi Huriet-Sérusclat de 1988 figurent notamment :
Le renforcement des règles concernant l'information des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales et le recueil de leur consentement, à la suite de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades.
La suppression de la distinction entre « recherche avec bénéfice individuel direct » (ABID) et « recherche sans bénéfice individuel direct » (SBID) a été remplacée par la balance bénéfice/risque : l'examen des projets de recherche est fondé sur l'évaluation du bénéfice escompté (individuel ou collectif) au regard du risque prévisible encouru.
Le remplacement du régime de déclaration par un régime d'autorisation : toute recherche biomédicale nécessite désormais, pour être mise en oeuvre, un avis favorable d'un comité de protection des personnes et une autorisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, guichet unique de la recherche biomédicale depuis juillet dernier.
La transformation des CCPPRB en « comités de protection des personnes » (CPP), à la composition élargie et aux compétences étendues.
Une procédure spécifique pour les recherches visant à évaluer les soins courants.
De nouvelles dispositions de déclaration concernant les collections de produits biologiques.
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