Un constat pour commencer : tous les membres de la mission Descours sont au moins d'accord pour dire que c'est la première fois qu'urgentistes hospitaliers et libéraux arrivent à se retrouver autour de la même table. Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF), déclare même que « c'est l'honneur de Mattei et de Descours d'avoir réussi ce tour de force ».
Dont acte. Mais au-delà de ce consensus de départ, force est de constater que les appréciations divergent parfois sur les solutions préconisées par le rapport.
Ni vainqueur, ni vaincu
« On fera cocorico plus tard, quand les centres 15 seront opérationnels dans toute la France », prévenait Charles Descours à la remise du rapport à Jean-François Mattei, avant d'ajouter : « Le plus important dans cette affaire, c'est qu'il n'y a ni vainqueur ni vaincu. » « Certes, tout n'est pas fait, poursuit Charles Descours, mais on sait ce qui reste à faire, et on veut le faire ensemble. » Le sénateur honoraire doit malgré tout regretter le silence de Jean-François Mattei qui a refusé de commenter le rapport, parce qu'il n'a pas encore eu le temps d'en prendre connaissance.
Au chapitre de l'appréciation globale portée sur le rapport, Frédéric Bastian, président de SOS Médecins, voit des aspects positifs : « Ce document valorise l'existant et insiste sur le fait qu'il est essentiel de respecter la diversité des acteurs ; il consacre l'idée d'une permanence des soins organisée sur un schéma départemental. » Mais Frédéric Bastian regrette que les centres de régulation de SOS Médecins ne soient pas assez pris en compte dans le rapport Descours.
Claude Leicher, de MG-France, est un peu plus réservé : « La période qui s'ouvre ressemble à celle de 1986 quand on a commencé à parler de l'aide médicale urgente ; il a fallu 15 ans pour la construire ; quoi qu'il en soit, avec la mise en place des comités départementaux de l'aide médicale urgente (CODAMU) rénovés en CODAMUPS (permanence des soins), l'année 2003 promet d'être très productive ». Mais attention, ajoute-t-il, « il ne faut pas oublier la question du financement car sans financement, pas de permanence des soins ».
Pour Dinorino Cabrera, président du syndicat des médecins libéraux (SML), « les choses sérieuses commencent ; il fallait débroussailler, c'est fait. Il y a aujourd'hui une moindre incompréhension entre l'Ordre des médecins et les syndicats, mais comme pour l'accord du 10 janvier, il va falloir finaliser tout ça ».
Quant à Jean-Marc Rehby, porte-parole national de la Coordination nationale des médecins généralistes (CONAT), il est « globalement satisfait du rapport Descours ; un certain nombre de nos revendications ont été reprises, comme la régulation, le volontariat, ou encore la réécriture de l'article 77 ; je regrette seulement qu'il n'y ait pas dans ce rapport un chapitre clair sur la question de la rémunération ». Selon le Dr Rehby, le financement doit obéir à des règles simples : « Pour le financement des hommes (médecins, régulateurs, etc.), c'est l'assurance-maladie qui doit payer. Quant aux structures, elles doivent être financées à la fois par l'assurance-maladie et par les collectivités locales. »
Toujours sur la question du financement, à noter cette petite phrase de Dinorino Cabrera : « Le volontariat ne s'achète pas, mais il se rémunère. »
Seul point de vue réellement discordant, celui de Patrick Pelloux, président de l'AMUHF, qui met les pieds dans le plat : « Les libéraux disent qu'ils ont gagné sur le volontariat, mais ils n'ont rien gagné du tout ; le volontariat ne marchera pas, il n'y aura jamais assez de volontaires, donc on va réquisitionner. » Un point de vue partagé par la coordination médicale hospitalière, pour qui « ni en ville, ni à l'hôpital, le simple volontariat ne peut être acceptable comme réponse à la mission de permanence des soins ».
Un nouvel article 77
« Il reste notamment à écrire le décret d'application prévu par l'amendement au PLFSS 2003, ainsi que l'article 77 du Code de déontologie, puis à établir un cahier des charges-type pour l'organisation départementale de la permanence des soins », avait précisé Charles Descours lors de la remise du rapport. Sur ce dernier point, Dinorino Cabrera a quelques idées : « On parle d'une organisation sectorielle au niveau départemental ; rien n'interdit que les secteurs se croisent ; si on élargit les secteurs et qu'on les rend interpénétrables, c'est-à-dire si on fait en sorte que les médecins travaillant en bordure de secteur puissent, si besoin est, opérer sur le secteur voisin, on aura besoin de moins de médecins volontaires ; donc, à enveloppe constante, ils seront mieux payés. »
Quant à l'article 77, qui a fait couler autant d'encre à lui tout seul que tout le reste du dossier de la permanence des soins, un syndicaliste qui souhaite garder l'anonymat en propose une nouvelle version : « En l'absence de volontaires dans un secteur, les médecins sont tenus de participer au tour de garde. »
Une version désarmante de simplicité, mais qui, selon son auteur, aurait le mérite de ménager la chèvre syndicale et le chou ordinal. D'autant que, selon certains, l'Ordre des Médecins aurait fait quelques gestes de bonne volonté ces derniers temps. Jean-Marie Colson, membre tout à la fois du conseil national de l'Ordre et de la mission Descours, s'était même réjoui de la teneur du rapport : « Nous nous félicitons des conclusions du document final de la mission Descours qui contractualise les rapports public-privé. » Même si l'Ordre n'avait guère le choix. Résultat, les commentaires des uns et des autres se font beaucoup moins sévères contre l'Ordre qu'auparavant : Frédéric Bastian insiste pour que « le CNOM reste une entité morale de référence ». Claude Leicher, de MG-France, estime que « l'Ordre doit se mettre dans un rôle de conciliateur et de médiateur ; mais il faut reconnaître que s'il avait été plus clair dès le début, ça aurait été plus simple ».
Dialogue difficile
Bref, tout le monde a conscience du chemin à parcourir, même si pour certains, ce chemin mène inéluctablement à un échec : pour Patrick Pelloux, « étant donné que le volontariat ne fonctionnera pas, tout finira par aboutir aux services des urgences hospitalières ; c'est le service public qui va en fin de compte assurer la pérennité de la permanence des soins ».
Un point de vue qui fait bouillir Jean-Marc Rehby, de la coordination des médecins généralistes : « Ce que disent les hospitaliers sur le volontariat est une plaisanterie ; le volontariat a fonctionné pendant des décennies. Simplement, aujourd'hui, les médecins libéraux refusent d'être taillables et corvéables à merci. J'ajoute que les hospitaliers ont beau jeu de dire ça aujourd'hui : avec les dispositions de la directive européenne, ils bénéficient maintenant de la semaine de travail de 48 heures maximum, même en y intégrant les temps de garde ». Le dialogue a certes repris entre les libéraux et les hospitaliers, mais le ton demeure un peu abrupt.
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