Par le Dr Etienne Hachet*
La gène fonctionnelle qui amène le patient à consulter est ressentie différemment selon l'âge et l'activité du patient. Une personne jeune et active réclamera beaucoup plus rapidement un traitement chirurgical qu'une personne âgée, peu mobile, ne conduisant plus sa voiture. Il est donc difficile d'évaluer une prévalence précise car les critères décisionnels sont multiples et spécifiques à chaque patient et à chaque activité.
Un diagnostic parfois difficile
S'il est particulièrement aisé de faire le diagnostic d'une cataracte devant la présence d'une opacité nucléaire, sous-capsulaire, en cavalier, etc., certaines formes, comme les cataractes d'indice hétérogène, sont difficiles à dépister. La plus ardue est celle d'un patient relativement jeune qui présente une baisse d'acuité visuelle avec un cristallin totalement transparent. Cela peut entraîner une multitude d'examens complémentaires ne présentant ici strictement aucun intérêt, sauf à visée différentielle. Le diagnostic sera facilement posé par la déformation de la fente lumineuse projetée nette sur le pôle postérieur : le déplacement latéral entraîne des ondulations de celle-ci. La caméra de Schempflung ne montre en général pas d'opacification notable et le Root Mean Square des mesures aberrométriques n'est pas très augmenté. Une atteinte iatrogénique pourra être recherchée, n'impliquant pas de démarche thérapeutique spécifique. De même, les cataractes congénitales très tardives sont plutôt des formes familiales et se traitent classiquement.
Une chirurgie sous anesthésie locale
L'intervention de la cataracte peut très souvent être prise en charge de manière ambulatoire avec une anesthésie locorégionale. Dans certains cas, l'éloignement et l'organisation familiale imposent une hospitalisation courte, plus par confort que par impératif médical. Le choix de l'anesthésie est fonction de l'entente et de l'entraînement des équipes médicales.
La technique de choix est la neuroleptanalgésie, associant un anxiolytique et un analgésique, potentialisés par une anesthésie topique utilisant un collyre anesthésique ou un gel de xylocaïne. L'intérêt de cette technique est l'absence d'injection d'anesthésique dans l'espace périoculaire : pas de risque de compression oculaire, pas de risque d'effraction vasculaire, pas de ptosis secondaire ni de douleur résiduelle tardive. L'absence d'injection permet également de conserver les antivitamines K et d'éviter les risques liés à un changement profond de l'équilibre de la coagulation sanguine. Son principal inconvénient reste l'absence d'immobilisation oculaire qui peut parfois rendre l'intervention plus délicate, mais la stabilisation oculaire sera facilement obtenue par une pince lors de la réalisation du capsulorhexis ou par le phaco-émulsificateur et le micromanipulateur lors de l'émulsification.
Lorsque ce type d'anesthésie ne peut pas être réalisé, l'anesthésie péribulbaire prend le relais, elle peut être profonde, rétrobulbaire, de faible volume, ou plus superficielle, péribulbaire et de volume plus important. Le meilleur site d'injection étant l'espace temporal inférieur. Elle nécessite toujours une compression douce et continue avant l'intervention pour ne pas obtenir une hypertonie oculaire par compression externe. La disparition de la hyaluronidase rend ce type d'anesthésie plus délicat et moins efficace que par le passé.
Chaque fois qu'une anesthésie locorégionale est impossible, en particulier du fait d'une incompréhension linguistique ou intellectuelle, l'anesthésie générale est choisie mais cela reste anecdotique.
Diminuer la puissance ultrasonique et augmenter les capacités d'aspiration
Si la technique manuelle extracapsulaire est maintenant du domaine de l'histoire, elle peut être encore réalisée d'emblée pour les cataractes extrêmement noires associées à un système capsulo-zonulaire fragilisé.
La technique la plus classique reste celle des ultrasons. L'évolution esquissée ces dernières années, et qui se poursuivra dans le futur, fait intervenir la diminution de la puissance ultrasonique et l'augmentation des capacités d'aspiration.
Les fortes puissances (au-delà de 50 %) peuvent entraîner des brûlures cornéennes au niveau de l'incision du fait du frottement important de la pointe sur la protection au silicone, surtout si elle est bloquée dans une incision très étroite. La disparition de ce risque passe donc par une diminution de la puissance, mais également par la création de périodes de repos, dont la fréquence et la durée sont réglables sous forme de burst ou de puls comme dans le système White Star.
Une meilleure aspiration permet de diminuer l'utilisation des ultrasons, voire même les supprimer totalement pour toutes les parties de la cataracte relativement plastiques. Une aspiration forte permet également d'améliorer la cohésion entre la pointe titane et la cataracte et d'améliorer ainsi l'effet de fragmentation des vibrations ultrasoniques. Pour obtenir cet effet avec une parfaite stabilité anatomique des structures oculaires malgré des dépressions pouvant aller jusqu'à 700 mmHg, l'ensemble des tubulures a du être rigidifié de façon à diminuer la compliance. Grâce à ces importants progrès techniques, la technique bimanuelle par aspiration ultrasonique va pouvoir se développer dans l'avenir car elle présente l'intérêt de ne nécessiter que deux incisions de 1,4 mm de long.
Les risques de l'intervention sont toujours présents. Si les risques infectieux ont été diminués ces dernières années par l'utilisation d'une désinfection systématique à la bétadine et l'utilisation des antibiotiques dans quelques cas ciblés, le risque le plus courant reste l'dème maculaire postopératoire dont la prévention repose sur l'utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens en préopératoire et la mise en place d'un filtre jaune peropératoire limitant l'effet toxique de la lumière sur la rétine. L'endothélium cornéen est au mieux protégé par un produit visqueux élastique dispersif.
Eau tiède et phacolasers
Pour diminuer les risques d'échauffement au niveau de l'incision, des techniques d'émulsification par différents types de laser ont été développées. Si ces appareils sont efficaces pour les cataractes de grade faible, l'intervention reste toujours beaucoup plus longue, voire impossible, pour les grades élevés et elle nécessite toujours la présence, à disposition, d'une phacoémulsification ultrasonique pour passer d'une technique à l'autre lorsque la première est inefficace. Elle présente néanmoins l'intérêt d'utiliser du matériel totalement à usage unique mais son coût est plus élevé.
La fragmentation à l'eau tiède est une technique nouvelle. La méthode Aqualas utilise un jet d'eau tiède sous pression pour peler les écailles cristalliniennes. Cette technique vient en complément de l'appareillage classique et supprime tous les risques de brûlures cornéennes. Cette technologie va être utilisée dans les semaines à venir. Les premiers essais montrent qu'il est a priori difficile de traiter les noyaux de grade élevé.
Le choix des implants
Les implants pliables sont le plus souvent choisis par les équipes entraînées. Ils permettent de ne pas élargir l'incision de phaco-émulsification et donc de ne pas affaiblir la rigidité à la coque oculaire. Les matériaux les plus anciens sont le silicone et les acryliques hydrophiles. Différentes formulations chimiques ont été élaborées de façon à augmenter l'indice de réfraction et donc à diminuer le poids et l'encombrement intraoculaire. Les derniers développements ont concerné principalement la forme afin de diminuer la survenue de cataracte secondaire par modification géométrique du bord de l'implant.
Les cristallins artificiels multifocaux ont été développés pour augmenter la profondeur de champ. Ces implants permettent une vision correcte tant en vision de loin qu'en vision de près, mais avec une vision du contraste très légèrement abaissée et la perception de halos nocturnes rarement invalidants. Ils sont particulièrement indiqués pour les patients qui ne désirent pas de lunettes en postopératoire et qui acceptent la présence des inconvénients cités. Ils sont en général particulièrement contre-indiqués chez tous les patients ayant une vie intellectuelle intense.
Depuis une quinzaine d'années sont apparus des implants acryliques hydrophobes. La présence éventuelle d'un filtre jaune permet de diminuer l'éblouissement postopératoire du patient et d'obtenir un certain niveau de protection pour les longueurs d'ondes du bleu, responsables de toxicité rétinienne.
L'évolution la plus intéressante à venir sera le positionnement de l'implant directement dans la cartouche de l'injecteur pour limiter les risques de contamination septique.
Il est courant, de nos jours, d'insérer un cristallin artificiel classique d'un diamètre optique de 6 mm par une incision de 2,75 mm. En revanche, il est plus exceptionnel de pouvoir passer par une incision de 1,4 mm. Des implants spécifiques ont été développés, ces derniers mois, pour ces micro-incisions.
L'utilisation d'un anneau de tension capsulaire peut être indiquée dans les cas ou la rigidité de l'implant est considérée comme insuffisante. Si l'anneau de tension capsulaire est indiqué chaque fois qu'il existe une lésion traumatique limitée des fibres zonulaires, il est contre-indiqué chaque fois qu'il existe une pathologie zonulaire diminuant sa résistance. En effet, c'est prendre le risque à long terme d'avoir une luxation intravitréenne de l'ensemble du sac, de l'anneau et de l'implant. L'anneau peut être utilisé pour retarder la survenue de la cataracte secondaire ou tendre à limiter la rétraction du sac à condition que ceux-ci soient suffisamment rigides.
Un problème de coût
La cataracte est une des interventions les plus réalisées en France et la demande des patients va aller certainement en augmentant, du fait, d'une part, du vieillissement du baby-boom de l'après-guerre et, d'autre part, de l'augmentation des besoins visuels liés au mode de vie moderne. En effet, à ce jour, bon nombre de personnes âgées ne satisfont plus aux normes de vision minimales demandées pour la détention du permis de conduire. C'est un coût important pour la société dont il faudra tenir compte.
* Nancy, président de la société de l'Association française des implants et de la chirurgie réfractive
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