Un rapport sur les catastrophes dans le monde

Le nombre des victimes a triplé en un an

Publié le 27/10/2004
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AU COURS des dix dernières années, le nombre des catastrophes naturelles et des accidents technologiques a augmenté dans des proportions dramatiques : de 428 événements annuels en moyenne pour la période 1994-1998, on est passé à 707 catastrophes par an entre 1999 et 2003. Toujours sur la dernière décennie, le nombre des catastrophes hydrométéorologiques a crû de 68 %, cependant que le nombre des catastrophes géophysiques enregistrait une progression de 62 %.
Le bilan en vies humaines est à l'avenant : il a atteint 77 000 l'an dernier, soit trois fois plus qu'en 2002. Dans le rapport qu'elle rend publique, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge souligne que l'impact des catastrophes subit d'énormes variations selon le niveau de développement des pays frappés. Au cours des dix dernières années toujours, chaque catastrophe a fait en moyenne 44 morts dans les pays à fort indice de développement, alors qu'elle entraînait 300 morts dans les pays à faible indice. L'impact économique, en revanche, affiche une tendance inverse, avec une moyenne de 318 millions de dollars par événement dans les pays développés et seulement 28 millions (onze fois moins) dans les pays en développement. Encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte des conséquences beaucoup plus dramatiques sur le produit intérieur brut des pays pauvres : dans certains cas, une catastrophe peut remettre en cause le processus de développement et effacer des années d'efforts, faisant parfois régresser les populations à des niveaux de pauvreté inférieurs. Les populations vulnérables sont, par définition, à la fois les plus exposées aux aléas et les plus dépourvues de moyens de récupération.

Les catastrophes changent de visage.
Selon la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, «  les catastrophes changent de visage » : l'explosion des concentrations urbaines, la dégradation de l'environnement, la pauvreté et la maladie constituent autant de facteur d'aggravation de l'impact des phénomènes saisonniers, tels que les sécheresses ou les inondations, entretenant la chronicité des crises. Les catastrophes dites naturelles ne sont pas celles qui tuent le plus. L'an dernier, le VIH/sida a fait 2,2 millions de morts en Afrique subsaharienne, où maladie, sécheresse, malnutrition, insuffisance des systèmes de santé et misère se sont alliées pour créer une situation complexe.
L'explosion sans contrôle des agglomérations urbaines entraîne des menaces nouvelles. Chaque année, pas moins de deux millions de morts sont recensés des suites des maladies infectieuses provoquées par la pollution des eaux et l'insalubrité.
Dans ces conditions, un changement radical dans notre approche de l'assistance s'impose. L'accent doit être mis sur les priorités et les capacités des intéressés. Car les interventions extérieures sont souvent moins efficaces qu'on ne le croit : à la suite du tremblement de terre de Bam (Iran), en décembre dernier, 34 équipes de secours composées de ressortissants de 27 pays ont afflué sur les lieux de la tragédie, parvenant à sauver 22 vies. Mais, en utilisant un nombre de chiens de sauvetage nettement inférieur, les équipes locales parvenaient à retirer des décombres 157 rescapés. Moralité : l'investissement dans les capacités locales permet tout à la fois de sauver des vies humaines et d'épargner de l'argent.
Au cours des deux dernières décennies, souligne le rapport, on a peu à peu pris la mesure des formidables aptitudes des populations en crise à survivre, à faire face et à rebondir. Il paraît aujourd'hui indispensable de réorienter la gestion des catastrophes en s'inspirant des expériences les plus fructueuses de mise en valeur des capacités des régions affectées.
Le rapport relève la grande diversité des facteurs qui expliquent la dégradation de la situation mondiale : fréquence élevée de phénomènes météorologiques extrêmes, urbanisation sauvage, mauvaise gestion de l'environnement, instabilité politique et pauvreté. Autant de paramètres qui nécessitent chacun des traitements spécifiques.

Le hit-parade

Sur la période 1994-2003, les catastrophes ont été dues pour 48 % aux sécheresses/famines, pour 16 % aux inondations, pour 16 % aux séismes, pour 10 % aux ouragans et pour 8 % aux températures extrêmes.

La canicule, « catastrophe sournoise »

La vague de chaleur qui a sévi en août 2003 a fait entre 22 000 et 35 000 morts sur le continent européen (dont 14 802 en France, 7 000 en Allemagne, 4 230 en Italie et 4 175 au Portugal). Ce fut l'été le plus chaud depuis au moins cinq cents ans, avec des températures moyennes supérieures de 3,5 degrés à la normale. La catastrophe fut essentiellement urbaine, le différentiel de températures entre les villes et les campagnes pouvant atteindre 5 à 6 degrés. C'est ce qui explique que la mortalité a augmenté de 130 % à Paris, contre 20 % dans les zones rurales.
Mais le rapport souligne que les décès consécutifs à la canicule sont davantage un problème d'exclusion sociale que de changement climatique, ou de structures physiques. En 1995, pendant la vague de chaleur qui avait affecté Chicago, un quartier pauvre, en grande partie déserté à cause de la violence, a connu une mortalité dix fois supérieure à celle d'une zone similaire, où une vie de rue plus active avait encouragé les habitants à sortir de chez eux, favorisant ainsi les mécanismes d'assistance.
Quand des vagues de chaleur se transforment en catastrophes d'origine humaine, il est temps pour les pays les plus riches du monde de reconsidérer leurs stratégies et leurs valeurs. A l'heure où les gouvernements se débattent pour relever le défi posé par la diminution des budgets de santé et l'augmentation concomitante des coûts de l'aide aux personnes âgées, la canicule 2003 a tragiquement mis en lumière les conséquences d'une politique insuffisante sur la question du vieillissement.

A Bam, rien n'avait été fait pour protéger la ville

Il n'a fallu que douze secondes, à l'aube du 26 décembre 2003, pour anéantir toute la ville : sur les 120 000 habitants de Bam, 30 000 à 40 000 ont péri et 30 000 autres ont été blessés. Presque tous les rescapés se sont retrouvés sans toit, car 85 % des édifices se sont effondrés. Plusieurs facteurs ont concouru à donner cette ampleur au désastre : le séisme a été le plus violent de l'histoire iranienne. Il a frappé tôt le matin, quand la plupart des habitants dormaient encore. Les constructions traditionnelles en briques de terre se sont désagrégées, suffoquant de leurs poussières les occupants. Les bureaux de l'administration, les hôpitaux, les écoles et la banque centrale ont été détruits ou gravement endommagés.
Les tremblements de terre étant imprévisibles, tout le monde a été pris par surprise, à l'exception de quelques habitants alertés par les trois petites secousses qui ont précédé la catastrophe. Pourtant, l'existence d'une faille active près de Bam était bien connue et documentée. Pourquoi, dans ces conditions, rien n'a été entrepris pour protéger la ville, ou au moins ses hôpitaux ? L'antique citadelle en briques de pierre étant debout depuis 2 000 ans, beaucoup pensaient que Bam était à l'abri des séismes, même si, depuis 1909, 19 tremblements de terre de grande magnitude avaient déjà fait entre 143 000 et 178 000 morts en Iran.

> CH. D.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7621