La France compte actuellement au moins 800 000 personnes âgées lourdement dépendantes physiquement ou dépendantes psychiquement. Dans les deux tiers des cas, ces personnes âgées dépendantes résident à domicile, chez elles ou dans leur famille, et bénéficient d'une aide familiale (qui est la seule aide dans quatre cas sur dix).
Les aidants principaux sont généralement le conjoint (la femme, le plus souvent) ou l'un des enfants (une fille, dans les trois quarts des cas). Or les premiers ont un âge moyen de 71 ans et les deuxièmes de 55 ans ; et pour les personnes les plus dépendantes, par exemple (GIR 1 selon la grille AGGIR), 79 % des aidants principaux ont entre 50 et 79 ans.
Sachant que le nombre de Français très âgés va continuer d'augmenter, il est utile de connaître l'évolution de la population des aidants potentiels, tâche à laquelle se sont attelés des membres de la DREES (direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques)* du ministère d'Elisabeth Guigou.
Les résultats de l'enquête Handicaps-Incapacités-Dépendance permettent de faire trois scénarios possibles d'évaluation de la dépendance aux âges élevés. A l'horizon 2040, la France pourrait compter près de 7 millions de personnes de 80 ans et plus, soit 3,2 fois plus qu'en 2000. En ce qui concerne les personnes âgées dépendantes, il y aurait une première « accélération », selon les termes de l'étude, vers 2010 et une seconde à partir de 2030, lorsque les baby-boomers dépasseront les 80 ans. D'ici à 2020, la hausse serait de 16 % dans le scénario optimiste, 25 % dans le scénario central et 32 % dans le scénario pessimiste et dans tous les cas on dépasserait le million de personnes très dépendantes. Entre 2020 et 2040, la hausse serait légèrement supérieure et, au total, sur les quarante années, l'augmentation du nombre de dépendants serait de 35 % au mieux et de 80 % au pire (55 % dans le scénario central).
Optimiste ou pessimiste
Les trois scénarios établis pour prévoir l'évolution du nombre de personnes âgées dépendantes ne sont pas « équiprobables ». Dans les dix ans à venir, note l'étude, des progrès notables permettant de limiter le développement des démences semblent difficilement envisageables, ce qui peut rendre les scénarios central ou pessimiste plus probables. En revanche, à l'horizon 2020, on disposera peut-être de traitements permettant de retarder nettement l'entrée dans la dépendance psychique, d'où l'avantage au scénario central voire au scénario optimiste. Quant à la période suivante, l'incertitude est d'autant plus grande que les trois scénarios divergent nettement à partir de 2025 environ.
Arbitrages individuels
Dans le même temps, le nombre des aidants potentiels (les personnes âgées de 50 à 79 ans) n'augmenterait que de 10 (les femmes) et 12 % (les hommes). Une situation inquiétante, quelle que soit l'hypothèse retenue, d'autant que, comme le notent les auteurs de l'étude, le nombre d'aidants possibles peut différer du nombre d'aidants potentiels. Le développement de l'activité professionnelle chez les femmes des générations les plus récentes les empêcherait en particulier de jouer ce rôle que peuvent jouer actuellement leurs mères ou grands-mères. Parmi les autres facteurs qui risquent de limiter le nombre d'aidants : l'éloignement des enfants du domicile de leurs parents, la séparation plus fréquente des couples ou les recompositions familiales.
Mais c'est là aussi qu'il est impossible d'influer sur les tendances à venir : par exemple, en favorisant la possibilité de concilier activité professionnelle et rôle d'aidant. Et l'étude de conclure que les « arbitrages individuels auront sans doute, autant que les seules évolutions démographiques, un impact sur les besoins d'aide professionnelle à domicile ou sur le choix pour les personnes âgées de vivre à domicile ou en institution ».
* Olivier Bontout, Christel Colin et Roselyne Kerjosse, « Etudes et résultats », n° 160.
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