De notre correspondante à New York
L ES premiers êtres vivants apparus sur la Terre, il y a 3 milliards et demi d'années, ont été les bactéries, des organismes unicellulaires, dits procaryotes car leur chromosome unique se promène librement dans la cellule. Puis, voici 1 milliard d'années, des êtres ayant un niveau de complexité légèrement supérieur sont apparus : les premières cellules à noyau, dites eucaryotes, dont le patrimoine génétique est enfermé dans un noyau. Quelques centaines de millions d'années plus tard, apparaissent les premiers êtres composés de plusieurs cellules, les organismes multicellulaires. Il y a 700 millions d'années, le monde vivant se sépare en trois règnes : plantes, animaux, champignons. Et enfin, parmi les animaux, les premiers vertébrés apparaissent il y a 500 millions d'années.
Pour certains biologistes, une des nouvelles les plus excitantes du projet de séquençage du génome humain a été la suggestion, par le Consortium international, que de 113 à 223 gènes humains pourraient avoir été transférés latéralement de la bactérie aux vertébrés durant l'évolution. Ces gènes bactériens se seraient intercalés insidieusement dans le génome des vertébrés (par transfert génique latéral) au cours de leur évolution. Cette suggestion repose sur la recherche de gènes très similaires aux gènes des bactéries dans le génome humain, mais absents des génomes d'eucaryotes non vertébrés.
La lignée des cellules germinales
Une telle possibilité est intéressante car elle implique que des infections bactériennes ont abouti à un transfert permanent de gènes dans leurs hôtes. Cela requiert que les gènes soient transférés dans la lignée des cellules germinales, et non pas seulement dans une cellule somatique, et que les gènes transférés soient maintenus de façon stable dans la cellule hôte, soit par insertion dans un chromosome, soit comme un élément extrachromosomique. Enfin, pour que ces gènes se disséminent dans la population, il faut qu'ils apportent un avantage sélectif à leur hôte, ou bien qu'ils présentent la capacité de se dupliquer et de se transposer.
Salzberg et coll. (The Institute for Genomic Research, Rockville, MD) ont réanalysé les données, avec une approche similaire, mais plus rigoureuse, qui inclut la version du génome humain de Celera et les séquences protéiques disponibles des lignées parasitaires qui n'ont pas été incluses dans la précédente étude. Ainsi, les chercheurs ont examiné quels gènes sont communs aux hommes et aux bactéries (ou procaryotes), mais absents chez 5 eucaryotes non vertébrés (la mouche drosophile, le ver, la levure, les parasites, l'herbe moutarde) et une collection d'autres eucaryotes non vertébrés incomplètement séquencés.
Salzberg et coll. n'ont identifié que 41 gènes communs aux hommes et aux bactéries, mais absents chez les non-vertébrés. Leur réanalyse démontre que le nombre de gènes communs seulement aux hommes et aux bactéries, autrement dit le nombre de transferts bactériens à vertébrés (TBV) possibles, dépend grandement du nombre de génomes de non-vertébrés examinés. La raison est que certaines lignées eucaryotes ont perdu de nombreux gènes, et l'analyse ne repose que sur 5 lignées eucaryotes non-vertébrées. Il est donc possible que le nombre de candidats TBV diminue encore au fur et à mesure que d'autres séquences de génomes non vertébrés deviendront disponibles.
La variation de la vitesse d'évolution
Selon les chercheurs, « l'explication la plus probable pour l'existence de gènes communs aux hommes et aux procaryotes, mais absents chez les non-vertébrés, est une combinaison de la variation de la vitesse d'évolution, du petit échantillon de génomes de non-vertébrés et de la perte de gènes dans les lignées non vertébrées ». Selon les Drs Anderson et Nesbo (Canadian Institute for Advanced Research, Dalhousie University, Halifax), auteurs d'un commentaire, « la meilleure façon de déterminer si les gènes sont de vrais TBV est de construire des arbres phylogénétiques moléculaires ». Ils ont réalisé ces constructions pour sept des gènes candidats de la liste et n'ont trouvé qu'un cas probable de TBV. Ces chercheurs prévoient que la vaste majorité des transferts de gènes sont survenus avant l'évolution de la multicellularité. « Notre multicellularité nous a probablement empêché de participer à la sale affaire du transfert génique latéral tellement apprécié des microbes », concluent-ils.
Sciencexpress.org, 17 mai 2001.
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