UNE FORTE MAJORITÉ convient à n'importe quel gouvernement. Et on n'a jamais vu de majorité rendre à la minorité quelques sièges par politesse ou par mansuétude. L'argument de la gauche traduit une faiblesse insigne, peut-être sans précédent : c'est tout juste si elle n'annonce pas elle-même sa défaite pour dénoncer les « manoeuvres » de Sarkozy. Il est surprenant qu'elle ne prenne pas acte d'un échec à la présidentielle qui ne sanctionnait en définitive que le vide de son projet et son incapacité à prendre en marche le train du changement, qui va vite. Et qu'elle n'ait, encore aujourd'hui, pour tout viatique que la dénonciation permanente de Nicolas Sarkozy.
N'exagérons rien.
Que le nouveau président ait demandé à des socialistes ou à des personnalités du centre de figurer dans son premier gouvernement afin de convaincre l'électorat qu'avec la droite, il avait aussi la gauche et le centre, c'est plus que probable. Que son projet se limite à une si forte concentration des pouvoirs que la France y risquerait ses libertés, c'est faux : d'abord la gauche a les régions, elle a beaucoup de grandes villes et elle aura toujours des bastions d'où nul ne peut l'évincer. Si 150 socialistes sont élus, ce sera certes un score très faible, mais quand même plus du quart de la représentation nationale. Donc, il ne faut pas exagérer le danger qui pèserait sur l'opposition.
IL EST FAUX DE DIRE QUE M. SARKOZY NE S'ENTENDRA PAS AVEC BERNARD KOUCHNER
En outre, comme elle crie pour deux, qu'elle a des relais syndicaux et qu'elle ne cesse de démontrer à quel point elle excelle dans le harcèlement du pouvoir, elle ne risque pas d'être tuée par son anémie. Le temps panse tous les revers.
On observe d'ailleurs une limite aux ouvertures de M. Sarkozy : M. Besson, auteur d'un pamphlet contre Ségolène Royal, avait quitté de lui-même le PS. M. Jouyet dit qu'il n'y a jamais été. La seule grosse cooptation est celle de M. Kouchner, le personnage le plus populaire de France qui, à n'en pas douter, était un socialiste atypique (pas du genre qui vénère la carte et la discipline du parti) et n'aura été socialiste que parce qu'il est naturellement de gauche, dans le sens où la gauche est le mouvement dont le coeur est sur la main.
Ce qui distingue M. Kouchner des autres socialistes, c'est d'abord qu'il n'est pas un homme d'appareil, c'est ensuite qu'il est d'une lucidité extrême et c'est enfin qu'il parle avec une extraordinaire franchise.
Nicolas Sarkozy veut, de toute évidence, pousser sa réforme jusqu'au fond des têtes. Il veut en finir avec les discours convenus, la langue de bois (qui sert beaucoup aux socialistes en ce moment), l'hypocrisie érigée en action politique quand il s'agit de cacher son impuissance. De ce point de vue, M. Kouchner lui convient fort bien.
En outre, on ne voit pas vraiment sur quel sujet MM. Sarkozy et Kouchner peuvent se disputer : l'ancien ministre de la Santé n'est pas un antiaméricain farouche ; il a vu, au nom du devoir d'ingérence, un aspect positif à l'engagement militaire des Etats-Unis en Irak ; il n'y aura pas de divergence entre les deux hommes à propos du Proche-Orient.
Il n'est pas inutile de rappeler ici qu'il existe en France un consensus, à propos du bilan de Jacques Chirac, sur sa sagesse prémonitoire avant l'expédition militaire anglo-américaine. Il n'est pas question de contester les graves tourments que l'ancien président nous a évités et dont il faut le remercier. Mais des hommes comme Sarkozy et Kouchner, et d'autres avec eux, pensent que la France n'avait pas besoin de tenir la dragée haute à l'Amérique. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, a fait un magnifique discours devant l'ONU, mais il a humilié les Américains. Ce n'était pas indispensable. Il suffisait de s'abstenir lors du vote et de refuser d'envoyer des troupes françaises. On pouvait obtenir le même résultat sans nuire à la réputation de la France dans l'opinion américaine. Ce n'est pas George Bush qui compte, ce sont les Américains eux-mêmes, et ils ne sont pas nos ennemis.
La gauche n'en a pas voulu.
Est-il excessif de dire que M. Sarkozy voit en M. Kouchner un homme passionné, nourri d'une expérience incomparable, dont la notoriété s'étend aux quatre coins de la planète, que Condoleezza Rice vient de saluer, et qui apportera au gouvernement et au pays beaucoup plus qu'il ne leur prendra ? Est-il excessif de dire que la gauche, quand elle était au pouvoir, n'a jamais eu la bonne idée de confier à Bernard Kouchner les Affaires étrangères, qu'elle s'est toujours méfiée de son indépendance d'esprit et qu'elle a littéralement « souffert » de sa popularité ? Est-il excessif de dire que, dans ces conditions, M. Sarkozy a fait d'une pierre deux coups et qu'en même temps qu'il « ouvrait » son gouvernement, il lançait un appel aux électeurs ? Mais sur une idée précise : moi, en tout cas, je n'ai pas de préjugé.
Non seulement les socialistes sont sur la défensive, mais ils s'attendaient si peu aux initiatives de M. Sarkozy qu'ils en sont réduits à se plaindre, comme s'il était un garnement qui fait une vilaine blague à une vieille dame respectable.
Leur tactique électorale est au moins aussi mauvaise que celle qu'ils ont adoptée pour les présidentielles. Cette histoire de concentration des pouvoirs, de majorité plébiscitaire (encore une exagération), de régime voué à ne traiter qu'avec les riches et les puissants, de menace sur la liberté d'expression et j'en passe, cache un fait évident qu'on oublie : les électeurs sont libres d'accorder leur suffrage à qui ils l'entendent. La thèse socialiste veut nous faire croire que nous sommes 60 millions de Français manipulés. Il va falloir trouver de meilleurs arguments.
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