Nora Berra n’est pas parvenu à convaincre du point de vue du gouvernement les élus de la Haute-Assemblée présents en cette séance de week-end un peu tardive. Samedi soir, il s’est donc trouvé une majorité de sénateurs pour annuler la plupart des restrictions liées à l’Aide médicale d’Etat (AME). Pour sa deuxième intervention au Sénat en tant que Secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra a pourtant utilisé tous les arguments pour tenter de convaincre les sénateurs que le tour de vis sur l’AME, voté par les députés et voulu par le gouvernement était tout sauf du rationnement des soins. Argument financier notamment: les crédits liés à l’AME vont augmenter de 53 millions d’euros pour peser 588 millions en 2011, soit 45% des crédits prévus pour la mission santé dans le budget de l’an prochain, a-t-elle rappelé en substance. "Il ne s’agit ni de remettre en cause l’accès aux soins, ni encore d’exclure", a martelé la secrétaire d’Etat avant d’assurer que le dispositif "ne pourra recueillir l’adhésion que s’il est bien géré et bien contrôlé". Un souci qui, selon elle, justifiait pleinement deux des mesures prises par les députés: ticket d’entrée annuel de 30 euros à la charge des bénéficiaires, et exclusion de la prise en charge des actes dont le service médical rendu est insuffisant.
Vaine plaidoirie de la secrétaire d’Etat... Quoique votées par les député ces deux dispositions restreignant l’accès aux soins des étrangers sans papier (et sans CMU) ont finalement été supprimées par les sénateurs. Et l’opposition de Nora Berra n’a pas suffi à les convaincre du bien fondé de ces mesures. Il faut dire, que le rapporteur de la commission des affaires sociales, Alain Milon, lui aussi médecin généraliste, avait préparé le terrain et les esprits. Dans son rapport, le sénateur UMP du Vaucluse avait démonté méthodiquement la plupart des critiques faites au dispositif: la croissance des dépenses de l’AME ces dernières années ne seraient pas significativement plus importantes que dans le régime général, et les risques d’extension aux ayants droits seraient limités, huit bénéficaires de l’AME sur dix étant des personnes isolées. Moins critique, le rapport du sénateur Jean-Jacques Jégou pour la commission des Finances concluait au contraire à l’adoption de ces mesures, tout en regrettant néanmoins qu’elles aient été prises avant que l’on ait connaissance du rapport de l’Igas sur le sujet.
"Xénophobe et populiste"
En séance, Alain Milon a réitéré ses critiques contre les restrictions à l’AME. Et il a été aidé en ce sens par l’opposition. "Qui peut croire à des réseaux clandestins de personnes venant en France y suivre des cures thermales ou subir des interventions de chirurgie esthétique ? Cet article populiste et xénophobe tend à stigmatiser les étrangers. Il est indigne de la République, " a par exemple souligné le sénateur vert Jean Desessard, a propos des restrictions sur les soins pris en charge. Variation sur un même thème de la part de son collègue socialiste Yves Daudigny qui avançait pour sa part un argument de santé publique : "La restriction du panier de soins est contraire à une politique de santé publique cohérente, restreignant l'accès aux soins, la prévention, le suivi médical. Une prise en charge tardive entraînera une dégradation de l'état de santé des personnes concernées."
Les défenseurs de l’Aide Médicale d’Etat viennent donc de remporter une bataille en mettant en minorité la secrétaire d’Etat à la Santé. Ces dernières semaines, l’ensemble du tissu associatif d’aide aux étrangers, ainsi que le Conseil national du Sida et l’Ordre des médecins s’étaient mobilisés contre les restrictions à l’AME, un dispositif dont ont bénéficié en 2009, 215.000 personnes étrangères avec des ressources inférieures à 634 euros par mois. Sur le sujet, le débat n’est néanmoins pas terminé: il va maintenant falloir trouver un terrain d’entente entre Sénat, Assemblée et gouvernement. Il reste que, quoi qu’il arrive, l’affaire montre que, sur les questions sociales et de santé notamment, le gouvernement va devoir désormais compter avec le Sénat. La semaine passée, plusieurs sénateurs centristes et UMP ont, pour la première fois, voté contre le PLFSS 2011. Cette semaine, dans le projet de loi de finances, outre les amendements concernant l’AME, le Sénat a aussi rétabli l’abattement de charges de 15% accordé aux particuliers employeurs, que gouvernement et députés avaient pourtant décidé de supprimer...
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