De notre correspondante
à New York
« CE TRAVAIL est le produit d'une merveilleuse collaboration entre neurochirurgiens, neurologues et neurophysiologistes », explique au « Quotidien » le Dr Fabrizio Benedetti, de l'université médicale de Turin en Italie. « Les neurochirurgiens ont implanté les électrodes, les neurologues ont évalué les réponses cliniques au placebo, et les neurophysiologistes (moi-même et mes collaborateurs) ont analysé ce qui se passe dans le cerveau », poursuit-il.
« C'est la première fois que l'effet placebo est étudié au niveau du neurone individuel. Cette étude montre qu'une intervention placebo induit des changements dans les neurones individuels. Puisqu'une intervention placebo est fondamentalement représentée par la suggestion verbale d'un bénéfice thérapeutique, cette étude montre que les mots du médecin peuvent changer certains circuits neuronaux dans le cerveau. »
« Nous cherchons maintenant à comprendre les mécanismes neurochimiques de ces changements neuronaux dans l'espoir d'exploiter ces mécanismes au profit du patient afin de réduire l'apport médicamenteux. »
Le pouvoir de l'esprit sur le corps.
L'effet placebo fascine. Il démontre le pouvoir de l'esprit sur le corps, et le pouvoir des mots et de la suggestion sur le processus de guérison.
L'effet placebo est « un phénomène complexe par lequel un traitement inerte peut induire un bénéfice thérapeutique si le sujet est convaincu de l'efficacité du traitement » : telle est la définition proposée par les chercheurs italiens.
Ciblé depuis peu par les investigations scientifiques, ses mécanismes neurobiologiques ont été étudiés jusqu'ici surtout dans le domaine de la douleur, et plus récemment dans la maladie de Parkinson. Ainsi, il a été découvert que l'injection d'un placebo chez un patient souffrant de Parkinson induit la libération de dopamine dans le striatum.
Dans une nouvelle étude en double insu, Benedetti et coll. ont maintenant enregistré dans le noyau sous-thalamique (NST) l'activité électrique émise par le neurone, avant et après administration d'un placebo. Ils ont choisi cette région cérébrale car le noyau sous-thalamique, hyperactif chez les patients atteints de Parkinson, est une cible majeure du traitement chirurgical de la maladie (stimulation cérébrale profonde), et car son identification requiert l'enregistrement de l'activité électrique intranucléaire.
Puisque des études ont montré que la réponse placebo est plus forte après des traitements efficaces réitérés, les chercheurs ont administré le placebo après plusieurs administrations d'apomorphine, un puissant médicament antiparkinsonien.
Ainsi, pendant plusieurs jours, l'équipe a injecté (en sous-cutané) à 11 patients présentant une maladie de Parkinson de l'apomorphine qui diminuait temporairement leurs symptômes. Puis les malades ont été conduits au bloc opératoire. Là, les chercheurs ont implanté des électrodes dans le NST. Ils ont remplacé le traitement par une injection de placebo (solution saline inoffensive), à l'insu du patient, tout en y associant des paroles suggérant l'attente d'une amélioration motrice. Ils ont enregistré l'activité électrique individuelle de 100 neurones, avant et après placebo.
Réduction de la décharge neuronale.
Résultat : six patients ont été cliniquement améliorés par le placebo, avec baisse de rigidité musculaire du bras et sensation de bien-être ; tous les 6 présentent également une réduction significative de la décharge neuronale (comparée aux mesures effectuées avant le placebo).
Cette baisse d'activité est étroitement corrélée à l'amélioration clinique, et absente chez ceux qui ne répondent pas au placebo.
Selon le point de vue physiopathologique classique de la maladie de Parkinson, le déficit en dopamine dans le striatum induit une hyperactivité du NST. « Les résultats de cette étude, obtenus par le biais d'un traitement par placebo, confirment ce modèle », notent les chercheurs. Ces changements neuronaux, ajoutent-ils, sont probablement induits par la dopamine libérée sous l'effet du placebo.
« Nature Neuroscience », 16 mai 2004, DOI : 10.1 038/nn1 250.
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