DE NOTRE CORRESPONDANT
LE NEUENBERG est un établissement protestant, privé participant au service public hospitalier (Psph). Il comprend un hôpital de 80 lits de court séjour (MCO), d'une importante maison de retraite et d'une unité de long séjour. Après plusieurs années de lourd déficit, il a été placé en règlement judiciaire à la fin 2003 ; en octobre dernier, le tribunal de grande instance de Saverne a désigné comme repreneur le diaconat de Mulhouse qui souhaite doter le Neuenberg d'un « projet fort et dynamique », actuellement en cours de négociation avec l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Alsace. Mais, selon le Dr Barbara Michel, anesthésiste de l'hôpital et présidente de l'Association pour le maintien des activités du Neuenberg (Aman), l'établissement va devenir en réalité « un simple hôpital local » et la population de ce secteur assez excentré en subira les conséquences. En effet, outre les 4 000 habitants d'Ingwiller, plusieurs milliers d'habitants du pays de Hanau et du pays de Bitche, en Moselle voisine, ont recours aux services du Neuenberg.
Comme l'expliquent les Drs Barbara Michel et Jean-Michel Nuss, chef du service de chirurgie et président de la CME, l'établissement reçoit chaque année 3 000 consultants « non programmés », dont 80 % viennent pour un problème traumatologique ou chirurgical auquel ne peuvent répondre les généralistes du secteur ; 1 200 patients sont hospitalisés chaque année en chirurgie. Selon ces médecins, les hôpitaux les plus proches d'Ingwiller - Saverne, Haguenau et Sarreguemines - sont tous à plus d'une demi-heure de route, et leurs services d'urgences, souvent saturés, ne pourront pas absorber tous ces patients supplémentaires. De plus, la fermeture de la maternité, où naissaient jusqu'à 450 enfants par an, obligera les parturientes à aller plus loin : au bout du compte, estime le Dr Michel, « toutes ces restructurations se feront sur le dos des patients, et la morbidité va augmenter ».
Fuites de patients.
De son côté, le directeur de l'ARH d'Alsace, André Aoun, précise que les pouvoirs publics ont soutenu le Neuenberg pendant des années, mais sans réponse, ni résultat : « Dans le secteur, le taux de fuite en chirurgie était de 73 % et de 66 % en maternité. C'est bien la preuve que les gens allaient d'eux-mêmes ailleurs », explique-t-il. Pour Diego Calabro, directeur général du Diaconat de Mulhouse, le nouveau projet va corriger les « erreurs de positionnement » qui ont mené l'ancienne structure à sa perte. « Nous allons renforcer la médecine interne et la médecine générale, développer la chimiothérapie, les soins de suite et la réadaptation, et créer des consultations spécialisées », annonce-t-il. Il promet « une antenne d'urgence » et un service de périnatalité. « Nous ne supprimons aucun lit, nous conservons 95 % des emplois et nous créons, en outre, une école d'aides-soignantes », poursuit-il.
Ses arguments ne séduisent pas les membres de l'Aman qui se demandent même si la fermeture de la chirurgie et de la maternité n'était pas programmée bien avant le dépôt de bilan. « Quand on regarde les comptes du Neuenberg, souligne le Dr Nuss, on voit que c'est l'unité de long séjour qui a plombé les finances de l'établissement. » Pour les médecins, la chirurgie et la maternité paient aujourd'hui les erreurs liées au développement du long séjour et à une gestion souvent jugée opaque : « On a l'impression que la tutelle attendait une occasion comme celle-là pour nous fermer », regrettent-ils. Pas du tout, répond André Aoun, « mais il faut bien constater qu'aucun des repreneurs potentiels n'a souhaité conserver la chirurgie et la maternité ». Et le directeur de l'ARH rappelle sa volonté de laisser au Neuenberg une « antenne de premier recours » pour l'accueil en urgence.
Rejetant les arguments selon lesquels le nombre de médecins à plein-temps était insuffisant, le Dr Michel souligne que la permanence des soins a toujours été assurée au Neuenberg grâce aux remplaçants et aux contractuels ; elle ne pense pas que les malades seront mieux soignés ailleurs. Pour elle, tous les arguments sécuritaires et financiers avancés pour la fermeture ont servi à cacher « une décision qui relève en réalité des choix de politique de santé ». Rappelant que, il y a quelques jours encore, plus de 1 000 personnes ont manifesté à Ingwiller pour le maintien de toutes les activités, elle regrette « le gâchis qui résulte de cette affaire, et dont la population sera la première à faire les frais ».
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