Le Temps de la Médecine : Habillés pour la santé
Le naturisme fut d'abord une médecine alternative. Dans sa version contemporaine, (ré-)apparue fin XIXe, elle postule, selon l'historien Arnaud Baubérot (qui en a fait son sujet de thèse à l'université de Paris-XII-Créteil) que « le soleil et le grand air sont bon pour le corps » ; qu' « ils chassent les microbes » et même qu' « ils recèlent des vertus thérapeutiques contre certaines maladies ». Les naturistes se réclament d'un hygiénisme qui veut lutter contre l'alcoolisme, le tabagisme, l'atrophie de la peau, la tuberculose, le rachitisme...
C'est l'époque où des courants très marginaux s'en prennent à une médecine qu'ils jugent trop médicamenteuse, trop scientifique, trop « pasteurienne ». L'époque aussi des chantres du végétaro-naturisme. Des médecins comme Kienné de Mongeot font l'apologie des cures d'air et de soleil, du mode de vie « sain » dont dépend le corps sain.
Gymnastique naturelle, nature, sport libre, hygiène de vie, alimentation diététique, écologie, les valeurs mises en avant par le microcosme naturiste vont conduire progressivement à perdre une justification médicale pure et dure pour rejoindre le domaine des activités de loisirs. On passe de conceptions thérapeutiques et hygiénistes à une notion hédoniste du naturisme.
Au passage, quoique très émancipé des traditions religieuses (catholiques, mais surtout musulmanes), les aficionados ont garde de se montrer très vigilants sur le terrain moral. Pour eux, les exhibitionnistes ou les voyeurs, ce sont ceux qui imposent la vue de leur sexe aux autres de façon provocante, ce sont les tenants de « la société de la housse », avec son aliénation et son fétichisme vestimentaire, ce sont les « textiles ». Des textiles chez lesquels proliféreraient échangisme, sado-masochisme, prostitution.
Le péché originel
Cette autoproclamation vertueuse puise dans l'autre source du naturisme : l'esprit d'innocence, le sentiment de non-péché, de non-culpabilité. « Il ne faut pas oublier, explique le psychologue Marc-Alain Descamps, auteur d'une thèse sur « le Nu et le Vsêtement » (Université de Paris-I Sorbonne), que, selon la Bible, quand Dieu a créé l'homme et la femme, il les a créés nus et il les fréquentait nus. Le premier vêtement est la conséquence de la première désobéissance et du péché originel ; dès que l'homme a mangé du fruit défendu, il a eu honte de son corps et s'est caché. »
Le nudisme, en fixant son origine à l'Eden, y aurait gagné l'appellation de naturisme, qu'on ne lui connaît qu'en français (les Anglo-Saxons parlent exclusivement de nudism).
Toujours selon Marc-Alain Descamps, le naturisme procure « un ensemble d'avantages psychologiques. D'abord, il donne un sentiment de liberté ; c'est une libération que de laisser tomber les symboles des conventions sociales. C'est aussi un retour à l'état naturel, car tous les êtres humains ont pratiqué du naturisme au moins une fois dans leur vie : au moment de leur naissance, en sortant du ventre de leur mère, ils étaient nus, totalement, intégralement, sans aucun vêtement. »
Le naturisme célébrerait donc la réconciliation, après 2 500 ans de « somatophobie » (haine du corps), avec le corps, toute honte bue.
Reconnue depuis une vingtaine d'années comme association culturelle et éducative, la Fédération française de naturisme (FFN) revendique actuellement 40 000 adhérents. Un chiffre qui a enregistré une forte baisse depuis que la pratique du nudisme ne nécessite plus l'adhésion à la FFN. Mais les pratiques iraient crescendo dans les centres de vacances et sur les plages affiliées où deux millions de touristes seraient recensés chaque année. La France, terre d'élection naturiste. Y convergent les Scandinaves, très amateurs mais découragés par la rigueur de leur climat et les ressortissants venus du Sud, où l'Islam interdit rigoureusement de se dévêtir.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature