QUAND ON A découvert Martha Argerich au TCE, au coeur du mois de juin 1969, qui vit la France paralysée par les grèves, il n'y avait guère plus d'une quarantaine de personnes. La jeune Argentine, auréolée d'un Premier Prix au concours Chopin de Varsovie en 1965, faisait la tournée promotionnelle de son premier 33 tours gravé pour la toute-puissante Deutsche Grammophon. Suivirent des salles plus pleines et d'autres enregistrements d'oeuvres prometteuses, comme la Sonate de Liszt, puis de plus en plus de concertos, d'oeuvres chambristes avec il est vrai des partenaires exceptionnels.
Les amateurs de chefs-d'oeuvre du piano durent vite se rendre à l'évidence, la grande Martha n'aborderait jamais – l'histoire nous contredira- t-elle ? – les Sonates de Beethoven, celles de Schubert, les grandes oeuvres de Schumann dont elle avait si bien joué les moins compromettantes comme les « Scènes d'enfants » qui est aujourd'hui la seule oeuvre qu'elle accepte de jouer en soliste. Passé le temps des annulations quasi systématiques, les dernières saisons ont vu la grande Martha fidélissime à ses engagements et il n'est plus rare de l'entendre dans les capitales et les festivals, notamment celui qu'elle a créé à Lugano en Suisse où elle joue à chaque printemps avec de plus jeunes partenaires qu'elle parraine dans le domaine chambriste.
Deux festivals et un film.
En Suisse aussi, au festival de Verbier 2007, elle était très présente comme en témoigne ce DVD «Verbier Highlights 2007», où elle est formidable avec Gabriela Montero dans une oeuvre qui lui est chère, les « Variations sur un thème de Paganini » de Lutoslawski. Puis, dans un Allegro de Debussy avec Renaud Capuçon, un de ses partenaires privilégiés. Le reste du DVD offre d'autres plats de résistance de très haut niveau avec Nelson Freire, Evgeny Kissin, Thomas Quasthoff (1). Toujours avec Renaud, mais aussi Gautier Capuçon, on la retrouve avec bonheur dans une soirée heureusement préservée pour l'éternité du Festival international de piano de la Roque d'Anthéron en 2005 (2). Outre le « Concerto n° 1 » de Prokofiev, qui est avec celui de Schumann un des ses chevaux de bataille, sous la direction d'Alexandre Rabinovitch, on y trouve le « Triple Concerto » de Beethoven avec les deux frères Capuçon mais surtout une inoubliable « Sonate n° 1 pour piano et violon » où elle accompagne un Renaud Capuçon transfiguré.
Avouons une grande déception par le film «Evening Talks» (« Conversations nocturnes ») de 1992 enfin disponible sur DVD (3), résumant la carrière de la pianiste par le cinéaste Georges Gachot. Les archives choisies sont formidables par leur rareté, notamment celles de son prix Chopin à Varsovie, du concours de Genève, ou de concertos joués en France sous la direction d'André Previn et d'Erich Leinsdorf. Mais elles sont vraiment trop tronçonnées (droits de reproduction oblige ?) et laissent l'admirateur sur sa faim. Plus anecdotiques, les séquences de tango avec des oeuvres de Piazzolla sont aussi passionnantes.
La déception vient des entretiens accordés au réalisateur. On attendait mieux que des considérations très fragmentaires sur les compositeurs, «celui-là m'aime, tel autre pas, celui-ci se venge…». Ces entretiens, réalisés sur une durée de deux ans, sont loin de lever le voile sur une artiste à qui personne ne songerait de reprocher de rester secrète et mystérieuse. Déjà très récompensé, notamment à Prague, ce documentaire devrait néanmoins permettre à ceux qui n'ont pas suivi la carrière de cette pianiste outsider, de se faire une idée et trancher par eux-mêmes.
(1) 1 DVD Medici Arts.
(2) 1 DVD TDK (distribution Intégral).
(3) 1 DVD Medici Arts.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature