De notre correspondante
à New York
LORSQU'UN potentiel d'action a parcouru un axone et parvient à son extrémité terminale, il agit sur les vésicules qui s'y trouvent et qui sont chargées de neurotransmetteurs. Les vésicules fusionnent avec la membrane présynaptique et libèrent leur contenu dans l'espace synaptique. Les neurotransmetteurs diffusent alors vers la membrane postsynaptique et transmettent l'information d'un neurone à l'autre.
Mais la synapse est le siège d'un autre phénomène : les événements synaptiques excitateurs miniatures, ou « minis ». Les vésicules présynaptiques libèrent spontanément (et non sous l'influence d'une excitation électrique) leurs neurotransmetteurs dans la synapse. Cette fuite de neurotransmetteurs est à l'origine de ce que l'on appelle une transmission synaptique miniature. Ces minisignaux surviennent sans interruption, même pendant le repos et le sommeil. Depuis leur observation il y a environ cinquante ans, on s'interroge sur leur portée fonctionnelle.
Une équipe dirigée par le Dr Erin M. Schuman, du California Institute of Technology à Pasadena, éclaircit leur mystère.
La synthèse des protéines.
Ces chercheurs ont exploré la synthèse des protéines dans les dendrites, afin de mieux comprendre comment cette synthèse est régulée par les événements synaptiques, un aspect largement inexploré.
Leurs travaux, décrits dans la revue « Science », ont été réalisés sur des cultures de neurones hippocampiques, essentiels pour la mémoire et l'apprentissage. La synthèse des protéines a été observée au cours du temps sous microscope, à l'aide d'un marqueur vert fluorescent.
Ils ont comparé la synthèse des protéines dendritiques après un blocage prolongé des seuls potentiels d'action, puis après blocage à la fois de ces potentiels d'action et des « minis ».
Les résultats sont révélateurs. Comparés aux dendrites témoins, les dendrites soumis au blocage prolongé des potentiels d'action montrent une diminution de synthèse des protéines. En revanche, les dendrites exposés au blocage à la fois des potentiels d'action et des « minis » montrent une augmentation de synthèse des protéines.
Cela suggère donc que les « minis » inhibent la synthèse des protéines. Les travaux précisent que les événements synaptiques miniatures exercent un effet rapide sur la synthèse globale des protéines dans les dendrites, mais également dans le corps cellulaire du neurone.
Une inhibition tonique.
« Ces données suggèrent que les "minis" procurent une inhibition tonique de la synthèse des protéines dans les neurones », résument les chercheurs.
Dans un second temps, ils ont majoré brièvement la libération des « minis » ; cela s'est traduit par une baisse de synthèse des protéines. Ainsi, une augmentation de la fréquence des « minis » peut majorer l'inhibition tonique de la synthèse des protéines.
« Ces résultats montrent que les "minis" peuvent réguler dans les deux directions la synthèse des protéines neuronales pendant un blocage d'activité chronique », concluent les chercheurs.
Ceci s'ajoute à d'autres rôles fonctionnels récemment suggérés pour les « minis », tel que réguler le comportement de la décharge neuronale et les événements de signalisation postsynaptiques qui sont importants pour la plasticité synaptique. De plus, les « minis » sont suffisants pour maintenir la densité des épines dendritiques et induire le groupement des récepteurs glutamate face à un blocage d'activité prolongé.
« Les changements rapides de la synthèse protéique locale aux sites synaptiques représentent un important mécanisme contribuant aux changements de force synaptique, qui pourrait sous-tendre en fin de compte la conservation au long cours de la mémoire », observent les chercheurs.
A n'en pas douter, les « minis » n'ont pas fini de faire parler d'eux.
« Science », 25 juin 2004, p. 1 979.
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