Une nuit d'hiver en salle de garde, il y a vingt-cinq ans. Le bip qui signale un arrêt cardiaque arrache le Dr Neil P. à son téléviseur. Il se précipite, coupe au plus court en traversant la pelouse qui, l'été, sert de terrain de croquet. La neige recouvre les arceaux. Son pied droit se bloque dans l'un d'eux. Vol plané, le nez dans la neige. « Leçon numéro un : supprimer les obstacles entre l'équipe chargée des arrêts cardiaques et ceux qui sont susceptibles d'avoir un arrêt cardiaque », estime le Dr P. Arrivé - glacé et mouillé - sur les lieux du drame, avec le reste de l'équipe. Réanimation. Le cœur ne repart pas. La réanimation est stoppée. Café, biscuits et formulaires dans la salle de infirmières. Une élève fait irruption : le patient qui vient de mourir est assis dans son lit et réclame une tasse de thé. « Leçon numéro 2 : s'assurer du décès avant de le déclarer. »
Même médecin, autre situation. Un homme dans la soixantaine se plaint de douleurs thoraciques et abdominales hautes. L'ECG montre une ischémie mais est inchangé par rapport à un tracé remontant à quelques années. La douleur est aggravée par le décubitus et l'ingestion de thé. Diagnostic d'indigestion. Le patient est renvoyé chez lui. Il meurt 1,5 kilomètre plus loin, entre l'hôpital et sa maison. « Depuis, mon seuil pour hospitaliser ceux qui ont une possible histoire de maladie cardiaque ischémique a considérablement baissé. »
Toujours le même médecin mais encore une autre situation. Un homme qui frise les 50 ans est vu aux urgences pour une douleur thoracique. Il se contorsionne dans tous les sens. Ce ne peut pas être une maladie coronarienne, confie le Dr P. au médecin traitant : il n'a en effet jamais vu de douleurs cardiaques entraîner des contorsions. Ce patient-là, toutefois, il le garde en observation. Et heureusement : les ECG et les enzymes prouvent qu'il s'agit d'un infarctus. « J'ai appris qu'il y a une infinie variété de réponses humaines à la maladie », conclut le Dr P.
« Lancet » du 27 octobre 2001, p. 1448 (rubrique « Use of errors »).
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