ARTS
La période 1870-1914, cernée par deux guerres, est sans doute celle qui a connu les plus importantes mutations sociales qui mettent en place une ère nouvelle, les forces supposées de la modernité. En une soixantaine d'uvres, l'exposition témoigne de ce vaste mouvement qui conduit le monde du travail, alors fortement lié à l'agriculture, vers l'industrialisation, et le prolétariat.
Cette époque voit s'inscrire l'usine dans le paysage. Le réalisme du travail pour Millet, Courbet, Daumier, participant d'une peinture d'un temps antérieur, est encore fortement lié à la nature. Le peintre en exalte les forces tranquilles, l'équilibre humaniste qui en découle.
Même la peinture « académique » aborde des sujets ingrats aux yeux d'un public habitué aux délicatesses vaguement érotisées des mythologies. Bastien-Lepage, Pascal Dagnan-Bouveret, Henri Gervex, Alfred Roll, Julien Dupré affrontent ce monde qui se construit, déclinent des mythes nouveaux, affichent une énergie dispensée par un homme encore confiant dans les espoirs portés sur la modernité, l'idée de progrès, et dans le même temps entretient des relations fraternelles avec la nature.
La peinture se veut l'exaltation d'un homme engagé dans ce combat qui le valorise. La Troisième République en fait, avec le patriotisme, autre versant d'une peinture liée aux vertus civiques, une force morale du citoyen. Bizarrement, alors que l'évocation de l'industrie suppose un enthousiasme porté par l'espoir, celle des forces de la nature, du travail de la terre entretient les traditions.
Si Millet y met une touche de mysticisme, un Bastien Lepage s'enracine dans le terroir au nom d'une société liée par le rythme des saisons. Avant lui, des moissons invoquaient quelque fête de la mythologie antique, avec lui elles se suffisent à elles-mêmes, elles diffusent leur propre beauté.
Dans cette évocation multiple du travail, des plaines à l'usine, la peinture du XIXe siècle épuise ses dernières énergies figuratives. Le tremblement qui affecte si fortement le paysage artistique avec les courants nouveaux (comme l'impressionnisme) ne la touche guère, tout au plus l'allège de certaines conventions d'atelier.
La tragédie de la Première Guerre mondiale va probablement rendre définitivement caduque cette harmonie de l'homme avec son environnement, détruire ses illusions, jeter le trouble dans les esprits. Seuls des régimes totalitaires (le nazisme et le communisme) vont reprendre ce qui n'est plus qu'un catalogue de recettes pour inventer une peinture de propagande, diffuser la bonne parole du civisme.
Musée des Beaux-Arts de Dunkerque, jusqu'au 27 janvier 2002. Musée municipal d'Evreux, 23 février/23 juin 2002. Musée des Beaux-Arts de Pau, 23 février/31 mai 2002.
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