Interrogés par « le Quotidien », les responsables des syndicats de médecins libéraux ou hospitaliers qui, comme la plupart des observateurs et comme les instituts de sondages, prévoyaient un duel Chirac-Jospin, déplorent la poussée de l'extrême droite. A part le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière qui appelle à faire barrage à Jean-Marie Le Pen, aucun responsable n'a cependant donné explicitement de consigne de vote.
Les réactions des syndicats de médecins libéraux
Le Dr Dinorino Cabrera, (président du Syndicat des médecins libéraux)
« Personne ne s'attendait à un tel résultat. C'est surprenant et choquant. Je ne pensais que la France pouvait être l'Autriche. J'ai du mal à comprendre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour. La défaite de Lionel Jospin est cinglante. On peut se demander maintenant ce qui va se passer aux élections législatives car, par le passé, les triangulaires n'ont pas été favorables à l'opposition actuelle. C'est à l'évidence un vote protestataire et il semble que le thème de la sécurité ait été porteur. En le reprenant à son compte, Jacques Chirac l'a mis sur le devant de la scène. Je ne me félicite pas, en tout cas, de ce que la France, pays des libertés, donne un tel score à Le Pen ; mais les Français ont souhaité là exprimer quelque chose. Il faut néanmoins qu'ils se ressaisissent et que leur vote soit plus clair aux élections législatives. »
Le Dr Michel Chassang, (président de la Confédération des syndicats médicaux français)
« Une nouvelle fois, les sondages se sont trompés. Ce résultat montre qu'à l'évidence, à force de refuser d'écouter les gens, de refuser le dialogue et de refuser de prendre en considération leurs demandes, arrive ce qui arrive. Par ce vote protestataire, les Français ont exprimé un désarroi profond. Si ce gouvernement s'est comporté avec les autres corps professionnels comme avec le nôtre, je comprends son échec. Je regrette son attitude méprisante à l'égard des médecins depuis qu'il est en poste. Le Premier ministre n'a pas accepté de recevoir les médecins en cinq ans, c'est une faute politique. Maintenant, je souhaite que la santé tienne une place plus importante dans la campagne et nous devons continuer à nous exprimer. On doit davantage considérer l'humain, c'est peut-être ce qui a manqué dans cette campagne. »
Le Dr Jean-Gabriel Brun, (président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français)
« On a vraiment l'impression que c'est le thème de la sécurité qui a dominé cette élection. Le résultat est une surprise, puisque le candidat qui a eu de justesse les 500 parrainages pour se présenter se trouve finalement au second tour. Cela donne la mesure de l'inefficacité des sondeurs. Mais au fond, ce n'est pas si étonnant. La France est en train de subir la même évolution que d'autres pays, comme l'Italie ou l'Autriche. C'est un phénomène général. On peut regretter en tout cas que de grands sujets majeurs, comme les retraites ou la santé, n'ont pas été traités pendant la campagne et que tout a été occulté par la sécurité. Maintenant, nous observons cela de loin et continuerons à défendre les intérêts des professionnels face à ces dirigeants qui se profilent. »
Le Dr Pierre Costes, (président de MG-France)
« L'essentiel après ce premier tour de l'élection présidentielle, s'agissant de la santé et de la protection sociale, est de s'adresser aux forces politiques républicaines, qu'il s'agisse de la droite ou de la gauche, dans la perspective des élections législatives qui s'annoncent. En particulier, j'attends de la future majorité parlementaire, qu'elle soit de droite ou de gauche, qu'elle s'engage dans une régionalisation du système de santé. Mais je suis inquiet, car les exemples que nous avons ne nous poussent pas à l'optimisme. La droite a créé les agences régionales de l'hospitalisation dont le directeur est en fait le représentant du pouvoir central en région ; la gauche a accordé une enveloppe financière pour le développement des réseaux, mais la gestion en est confiée à deux directeurs, celui de l'ARH et celui de l'URCAM. Il faut au contraire confier de nouvelles responsabilités aux acteurs régionaux, avec une politique claire et précise. C'est dans ce sens que nous interrogerons les partis de la droite et de la gauche républicaine. Mais il n'est pas question de participer au débat du second tour.»
Le Dr Jean Claude Régi, (président de la FMF)
« La surprise est totale, mais nous n'avons pas placé la campagne présidentielle sur le plan politique. Il est clair que, s'agissant de la politique de santé et de la Sécurité sociale, les débats lors du premier tour n'ont pas montré de différences entre Jospin et Chirac.
Nous attendons maintenant que les deux candidats présents au second tour s'engagent sur les vrais problèmes qui préoccupent les médecins, qu'il s'agisse de la liberté des honoraires, de la réouverture du secteur II, du statut du médecin.
Reste que ce résultat est une surprise extraordinaire et qu'il nous faut bien comprendre toutes ses implications. »
Les réactions des syndicats de médecins hospitaliers
Le Dr François Aubart, (président de la Coordination médicale hospitalière)
« C'est un résultat violent qui succède à une situation où, pendant des années, les préoccupations des gens n'ont pas été réglées. En tant que responsable syndical, je suis pour une fois amené à exprimer mes choix. Jean-Marie Le Pen est à mon avis un danger pour l'hôpital public, pour ce qu'il représente. Il est essentiel de parer à l'éventualité de son élection au second tour. Et puis au-delà, il faut faire en sorte de créer un électrochoc politique qui conduise nos responsables à prendre davantage en considération les préoccupations des Français. »
Le Dr Rachel Bocher, (présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers)
« Je suis comme tous les Français, surprise. La démocratie étant ce qu'elle est, je prend acte de ce résultat. En tant que responsable syndical, je me garderai d'émettre une opinion politique. L'émiettement des candidatures a sans doute contribué à créer une telle surprise. On va voir ce qui va se passer dans les semaines qui viennent. Il n'y aura pas vraiment de second tour. L'important désormais, ce sont les élections législatives. Il faut donc attendre le débat qui s'engagera à cette occasion. Dès demain, j'enverrai comme prévu une lettre aux deux candidats restant en lice pour les interroger sur les thèmes qui nous préoccupent : la démographie, les restructurations hospitalières, la place de l'hôpital et du médecin dans l'hôpital. »
Le Dr Jacques Reignault, (président du Centre national des professions de santé)
« Ce résultat d'une grande surprise est la conséquence d'un vote populiste tant à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche. Mais c'est aussi et surtout une sanction pour un gouvernement qui, notamment dans le domaine qui nous concerne, a fait preuve d'immobilisme, qui n'a fait aucune réforme, qui a poursuivi dans la voie des sanctions.
Maintenant, il y a un second tour. Les syndicalistes n'ont pas à prendre position. Mais, si nous connaissons le programme de Jacques Chirac, qui est venu le présenter aux assises du CNPS, nous ne savons pas grand-chose de celui de Jean-Marie Le Pen. Celui-ci est-il partisan d'un ultralibéralisme en matière de santé et de protection sociale ? Quelles réformes veut-il mettre en place ? Ces questions que nous poserons dans cette campagne qui va durer quinze jours. »
Le Dr Pierre Farragi, (président de la CHG)
« On est complètement désarçonnés. On a l'habitude de travailler avec la droite et la gauche républicaine, dont les programmes, en matière de santé notamment, ne sont pas très éloignés les uns des autres. Mais aujourd'hui, le résultat et les enjeux qui en découlent dépassent largement les problèmes que nous avons l'habitude de traiter. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature