ATTEINT depuis plusieurs années d'une forme sévère de la maladie de Parkinson, le professeur Bernard Glorion, éminent spécialiste d'orthopédie pédiatrique et ancien président du Conseil national de l'Ordre des médecins entre 1993 et 2001, s'est éteint à Paris le vendredi 10 août dernier à l'âge de 78 ans.
C'est en 1963 que débuta la carrière professionnelle de celui qui allait plus tard détenir un quasi record de longévité à la tête de l'Ordre, avec quatre mandats successifs.
Cette année-là, Bernard Glorion s'installe comme jeune chirurgien orthopédique dans une clinique privée tourangelle, puis quelques années plus tard dans l'hôpital Gatien de Clocheville, intégré depuis au CHU de Tours, où il fera toute sa carrière de chirurgien.
Mais en plus d'avoir été, comme le souligne l'actuel président de l'Ordre, le Dr Michel Legmann, «un des plus grands spécialistes de la chirurgie orthopédique pédiatrique», Bernard Glorion se distinguera par son action à la tête de l'institution ordinale, qu'il prend en charge dès 1993. Même un médecin urgentiste comme le Dr Patrick Pelloux, pourtant peu suspect d'amitiés ordinales, le dit sans détour : «J'adorais ce mec. Je suis allé le voir à l'hôpital voici deux ans alors qu'il venait de faire un petit AVC (accident vasculaire cérébral). Nous avons parlé longuement d'une association qu'il avait créée et qui s'occupait de faire entrer un peu de culture à l'hôpital. C'était un chirurgien de grande valeur, un honorable président du Cnom, un humaniste et un juste.»
Homme de foi.
Grand chirurgien, Bernard Glorion était aussi un fervent catholique. « Mais attention, prévient son successeur, le Dr Michel Legmann : Bernard Glorion était certes un homme de foi, mais il a toujours su faire la séparation entre ses convictions personnelles et les responsabilités de sa charge.» C'est ainsi qu'à peine élu président du Conseil national, il s'attaque au vaste chantier de la déontologie appliquée à la fin de vie et aux soins palliatifs. Ne craignant pas de prendre de front les juristes de l'époque, il propose une interprétation moins restrictive de la déontologie et, sans jamais prôner l'euthanasie active, il n'en estime pas moins que l'interdiction faite aux médecins de «donner délibérément la mort» ne saurait s'appliquer « stricto sensu » à l'éventuel arrêt de soins dans les services de réanimation. Mais le catholique ne se dissimulait jamais sous le médecin : «Lorsque j'étais maire de Lourdes, se souvient Philippe Douste-Blazy qui fut ministre délégué à la Santé quand Bernard Glorion présidait l'Ordre, je l'ai souvent rencontré faisant des pèlerinages. J'avais beaucoup d'admiration pour l'homme, le médecin et le président qu'il était, et de l'admiration pour sa droiture et sa probité. C'était véritablement un homme bon.»
Mais, à défaut d'être autoritaire, l'homme s'avéra disposer d'une réelle autorité. «J'avais beaucoup de respect pour sa personne, mais il nous est arrivé de nous opposer car il refusait le syndicalisme au sein de l'Ordre», se souvient un conseiller national. Peu après son élection, Bernard Glorion s'attaqua également aux habitudes de la vieille maison en rendant publics les débats des instances disciplinaires qui travaillaient jusque-là à huis clos. Une forme de tremblement de terre pour une institution qui n'a jamais goûté outre mesure la publicité. Mais son entreprise de modernisation de l'institution ne s'arrêta pas là, et Bernard Glorion a initié les réformes qui aboutiront plus tard à la mise en place des conseils régionaux administratifs, ainsi qu'aux instances disciplinaires présidées par des magistrats. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a d'ailleurs salué la mémoire de «l'une des grandes figures de la médecine française, qui a profondément rénové le Conseil national de l'Ordre des médecins».
«C'est aussi lui qui a été l'auteur de la déclaration sur la repentance», se souvient le Dr Michel Legmann. En 1997, le président de l'Ordre avait en effet prononcé devant l'ensemble des présidents et des secrétaires généraux des conseils départementaux une déclaration de repentir sur l'attitude de l'Ordre à l'égard des médecins juifs durant l'Occupation. Une déclaration qui avait fait grand bruit à l'époque, saluée de part et d'autre. « Le Quotidien » avait pour sa part sobrement titré à la « Une » : «Cinquante-sept ans après».
Le professeur Bernard Glorion aura présidé durant huit années une institution dominée par les hommes, où les femmes n'avaient, et continuent à n'avoir, que fort peu de place. Tout comme aujourd'hui, une femme et une seule siégeait alors au Conseil national. Le Dr Aline Marcelli, qui était vice-présidente du Conseil national alors que Bernard Glorion présidait l'institution, garde un souvenir ému de cette collaboration : «Il était apprécié de tous par sa stature gaullienne, sa voix et sa chaleur communicative. Il était aimé des patients et de leurs familles. Il a insufflé partout élan et dynamisme, il reste un souvenir vivant.»
Bernard Kouchner : il était du côté des malades
L'actuel ministre des Affaires étrangères et européennes, qui a notamment été ministre délégué chargé de la Santé de 2001 à 2002, a bien connu le professeur Bernard Glorion, qu'il a maintes fois rencontré, notamment dans le cadre de la préparation de la loi sur les droits des malades :
« Bernard Glorion, c'était vraiment un grand bonhomme, un médecin véritable. C'est lui qui a voulu faire évoluer le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), en dépit des nombreux conservatismes internes. A l'époque, les gens n'avaient pas une très bonne image du Conseil de l'Ordre, parce qu'ils pensaient que ses membres étaient tous conservateurs et réactionnaires, qu'ils étaient là plus pour défendre la profession que les patients.
« Dans ce contexte, la présidence de Bernard Glorion aura été un grand moment de bonheur et d'honneur pour le Cnom. Glorion était du côté des malades. Nous avons fait ensemble, avec mon cabinet et Didier Tabuteau, la loi Droits des malades. Avec Bernard Glorion, le Conseil national de l'Ordre des médecins est devenu le Conseil national de l'Ordre des malades. Il a également beaucoup travaillé à un changement des mentalités sur la douleur, la fin de vie et les soins palliatifs.
« J'avais vraiment énormément d'affection pour lui, ainsi que pour sa femme Françoise, qui s'occupe de près des associations de malades.
« On s'adorait sans le dire. Je présente à Françoise et à ses enfants mes plus sincères condoléances.
« Glorion, c'était un vrai médecin, un catholique de progrès et de combat, un Monsieur qui savait ce que veulent dire des mots comme engagement et droiture. »
"Le Quotidien du Médecin" présente à Madame Françoise Glorion et à ses enfants ses plus sincères condoléances
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature