AU DÉBUT DE L'ANNÉE 2006, Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, avait décidé de baisser le taux de prise en charge des veinotoniques de 35 à 15 %. Une décision qui faisait suite à un avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui avait jugé insuffisant leur SMR (service médical rendu). Cette baisse de taux de remboursement n'était, en outre, qu'un palier, puisque, à partir du 1er janvier 2008, ces médicaments seront totalement déremboursés.
Ce déremboursement partiel a déjà eu des conséquences sur la consommation de ces spécialités à prescription facultative. En effet, selon une étude de la Mutualité, le nombre de boîtes de veinotoniques vendues en France en 2006 a baissé d'environ 20 % par rapport à 2005, passant de 94 à 74,5 millions. Dans la même période, l'automédication n'a cependant que peu progressé (29 %) et ne représentait malgré cette hausse que 5 % du total des boîtes vendues. Une hausse timide, due sans doute au fait que la publicité directe vers le patient n'est permise en France que pour les médicaments qui ne font l'objet d'aucun remboursement par l'assurance-maladie. Enfin, le prix de vente de ces médicaments a baissé de 12 % en moyenne après la baisse de leur taux de remboursement. En cumulant la baisse des volumes vendus et la baisse du prix unitaire des boîtes, le chiffre d'affaires des veinotoniques aurait en tout baissé de 29,6 % en France entre 2005 et 2006.
Déremboursement ne signifie pas inefficacité.
Chez Servier, on anticipe le déremboursement total du Daflon, un veinotonique qui représente à lui seul environ 12 % des ventes de ce laboratoire en France. «Nous axons notre communication en direction des patients et des médecins, indique un responsable de la firme. Nous leur expliquons qu'il s'agit d'une décision purement économique, et que ce n'est pas parce que les veinotoniques sont déremboursés qu'ils sont inefficaces, ni que la pathologie qu'ils soignent a disparu.» Servier rappelle opportunément à ce sujet que, lorsque l'Italie a procédé au déremboursement des veinotoniques en 1994, il y a eu dans les mois suivants une baisse du nombre de consultations pour cette pathologie, suivie plus tard par une augmentation du nombre des complications, une hausse du nombre de journées d'hospitalisation et des arrêts de travail. «Au total, cette mesure d'économie a coûté beaucoup d'argent à la Sécurité sociale italienne et à son économie», conclut-on chez Servier (voir ci-contre).
Plus généralement, on n'est pas en mesure de dire chez Servier si cette mesure de déremboursement va s'accompagner d'une hausse du prix du Daflon. On se borne à rappeler que, depuis sa mise sur le marché à la fin des années 1980, son prix de vente a baissé de 60 % et que le déremboursement va conduire à des hausses de prix mécaniques, ne serait-ce qu'à cause du changement du taux de TVA, qui va passer de 2,1 à 5,5 %.
Peu d'alternatives.
Chez les médecins, on reconnaît qu'il y a peu d'alternatives aux veinotoniques. Pour le Dr Jean-Paul Hamon, généraliste à Clamart, «les personnes âgées ont déjà sensiblement réduit leur consommation de veinotoniques, souvent pour des raisons économiques. Ils ont également été sensibilisés aux conseils hygiéniques et diététiques, qui peuvent diminuer les symptômes. Et ils ont parfois adopté les bas de contention qui sont pour le moment toujours pris en charge». Mais, pour sa part, le Dr Hamon prescrit rarement d'anti-inflammatoires en lieu et place des veinotoniques, «essentiellement pour éviter les risques iatrogènes chez les personnes âgées».
Même tonalité pour le Dr Armand Semercyian, généraliste en région parisienne. «Il y a tout de même quelques alternatives aux veinotoniques en matière d'insuffisance veineuse, comme l'hygiène de vie, la marche à pied ou la surélévation des jambes», indique-t-il au « Quotidien », mais à mes patients qui n'ont pas les moyens, je ne peux rien dire d'autre que de s'adresser aux services sociaux». Le Dr Semercyian regrette cependant que ces déremboursements aient été effectués de façon aveugle : «Pour les personnes à revenu modeste, ça risque d'être très gênant car elles ne vont plus se soigner et risquent de développer des pathologies plus invalidantes.»
Côté pharmaciens, Philippe Besset, le président de la commission économie d'officine de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), indique au « Quotidien » que les ventes de veinotoniques se sont stabilisées en France entre 2006 et 2007. Mais, selon lui, elles devraient sensiblement fléchir en 2008 après le déremboursement. «Nous n'avons pas d'exemple de déremboursement de ce type (de 35 à 15 %, puis déremboursement total) . Mais pour l'historique des médicaments remboursés à 35%, puis déremboursés, on constate en général des baisses de vente d'environ 60% en volume», précise-t-il.
Philippe Besset ne redoute pas trop une hausse du prix de vente fabricant car «les veinotoniques sont déjà dans la fourchette haute du prix moyen des médicaments non remboursés». Quant à une éventuelle hausse des marges officinales, la FSPF l'a fortement déconseillée à ses adhérents.
Plus généralement, la FSPF regrette ces déremboursements, à la fois pour des raisons sociales et économiques : «Ce taux de 15% était assez intéressant, précise Philippe Besset, car il permettait d'encadrer les prix à un coût dérisoire pour l'assurance-maladie. De plus, ces déremboursements vont essentiellement frapper des laboratoires français, qui sont souvent très en pointe sur ces pathologies.»
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