Le monde chirurgical en voie de mobilisation

Publié le 03/09/2008
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LE MOIS D'AOÛT a échauffé les esprits dans le monde chirurgical. Et le vent de la contestation souffle à nouveau dans cette spécialité agitée de soubresauts périodiques malgré les nombreux rapports d'experts commandés ces dernières années pour apporter des remèdes au malaise de la profession. Tarifs «sous-évalués», démographie en berne dans certaines disciplines chirurgicales, charges, contraintes, conditions d'exercice… : les raisons d'inquiétude sont anciennes. Mais la tension a grimpé dans la foulée des discussions estivales sur le secteur optionnel, une réforme ouvertement présentée par les « payeurs » (assurance-maladie et complémentaires) comme une réponse à l'augmentation du nombre de spécialistes de secteur II (84 % des chirurgiens y exercent) et du taux de dépassement moyen (doublement en vingt ans).

Fin juillet, la CNAM, les complémentaires santé et les syndicats représentatifs des médecins libéraux (sauf la FMF qui a réservé sa signature) ont paraphé un point d'étape, «base» des prochaines négociations sur le secteur optionnel pour les trois spécialités exerçant sur des plateaux techniques lourds (chirurgiens, anesthésistes, gynécologues-obstétriciens). Pour la première fois, les partenaires ont posé noir sur blanc les paramètres financiers de l'exercice dans le secteur optionnel : 30 % d'activité au minimum en tarifs opposables et plafonnement à 50 % par acte des nouveaux «compléments d'honoraires» (plus question de parler de dépassements…). Si le document ne mentionne que les praticiens de secteur II sur plateaux techniques, les syndicats veulent croire que la négociation fera bouger les lignes. Objectif : ouvrir cette option aux médecins de secteur I en commençant par les anciens chefs de clinique (ACCA), toutes spécialités confondues.

L'UCDF sur le pied de guerre.

Quoi qu'il en soit, loin d'apaiser le climat, cette étape pour les uns est synonyme de régression pour d'autres. Les critiques de chirurgiens fusent sur certains forums. La légitimité des centrales polycatégorielles à défendre la chirurgie libérale française est à nouveau contestée dans un environnement politique et médiatique jugé de plus en plus hostile : thématique des dépassements d'honoraires omniprésente en 2008, volonté prêtée au gouvernement et/ou à la majorité de légiférer dès cet automne sur le secteur II.

Le Dr Jean Marty, président de l'Union collégiale des chirurgiens, médecins et spécialistes français (UCCMSF), résume : «Le fait que la Mutualité soit prête à financer les dépassements est le seul acquis des discussions. Mais vu l'effritement des tarifs depuis vingt ans, on est loin du compte. Il faut que ceux qui exercent sur des plateaux techniques lourds soient associés en tant que tels aux négociations.»

C'est dans ce contexte que l'Union des chirurgiens de France (UCDF, qui revendique 2 500 adhérents) appelle les composantes de la chirurgie (internes, chefs de clinique, chirurgiens libéraux mais aussi hospitaliers) à la contestation. Une journée de mobilisation est prévue le 4 octobre dans la capitale, à l'université Paris-Descartes. Un amphi de 980 places a été réservé afin de démontrer «la capacité de réaction» des chirurgiens. Avant une semaine «sans chirurgie» programméedu 13 au 19 octobre, sans doute ponctuée par une action à l'Assemblée nationale (en plein débat parlementaire sur le budget de la Sécurité sociale).

FMF : « Attention à ne pas se louper ».

Les chirurgiens répondront-ils à cet appel, eux qui ont parfois boudé les consignes de grève ? «L'arrêt d'activité va s'organiser tranquillement car c'est maintenant que nous devons peser sur les pouvoirs publics, assure le Dr Cuq. L'objectif le plus aigu de cette mobilisation, c'est la survie de l'entreprise chirurgicale, donc, les tarifs et la rémunération, mais il y a aussi la permanence des soins, la régulation des installations, les coopérations public-privé…» Une réunion de « calage » du mouvement est prévue aujourd'hui avec les représentants des chirurgiens orthopédistes du SNCO et des chirurgiens viscéraux et digestifs du SNCVD, deux puissantes « verticalités ». «Chacun affûte ses discours, toutes les cloches devront sonner du même son», explique-t-on du côté des organisations concernées.

Les syndicats à la table des négociations calment le jeu. «Il ne faut pas tirer contre son camp, met en garde le Dr Chassang, président de la CSMF. Nous comprenons l'émoi des chirurgiens qui ont peur que l'on porte atteinte au secteurII. Mais je leur demande de ne pas se tromper de combat et de soutenir la création d'un secteur optionnel attractif.»

Le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, assume sa décision de n'avoir pas signé le rapport d'étape sur le secteur optionnel, «un piège en l'état qui ressemble davantage à un acte de décès du secteurII qu'à une promotion de la chirurgie»; mais il reste prudent sur les formes radicales de contestation. «Je dis aux chirurgiens de peser le pour et le contre: dans le passé, certains appels à la mobilisation ont été des échecs. La chirurgie n'a pas le droit de se louper…»

> CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8411