IL SE SERA écoulé deux années entre les déclarations fracassantes de Philippe Douste-Blazy au congrès Hôpital expo de mai 2004 et la concrétisation de sa promesse. Cette semaine – peut-être dès aujourd’hui –, le ministère de la Santé doit publier son premier classement des établissements de santé. Une révolution dans le monde hospitalier. «Les patients ont droit à la transparence», s’était justifié Philippe Douste-Blazy. Reprenant cet engagement à son compte, Xavier Bertrand a maintenu le cap, malgré les contestations. Car le sujet est sensible. Pour la première fois, le gouvernement va diffuser une information fondée sur «des critères de performance objectifs, simples et compréhensibles, permettant à tous de connaître l’efficacité des hôpitaux».
Comment les usagers réagiront-ils ? Et les professionnels de santé ? Quel sera le sort des établissements les moins bien notés ? Rien ne permet d’anticiper les retombées d’une telle annonce.
Le classement que la France s’apprête à découvrir sera le premier d’une longue série. D’autres suivront, également estampillés par le ministère de la Santé. Pour l’heure, seule la qualité du plan de lutte contre les infections nosocomiales a été évaluée. L’ensemble des hôpitaux et cliniques ont reçu un questionnaire. Sur cette base, le ministère les a notés de A à E – un classement moins polémique qu’un palmarès rangeant les établissements de santé du premier au dernier, comme le font depuis plusieurs années certains magazines.
Des écarts importants.
La méthode retenue soulève des interrogations. Un médecin hospitalier observe que le classement « officiel » repose uniquement sur des déclarations de bonne foi : «Il n’y a eu aucun contrôle sur site pour vérifier si les réponses correspondent à la réalité des pratiques. Est-ce que tout le monde a joué le jeu sans tricher?», s’interroge-t-il. Ailleurs, un président de CME est inquiet : «En cas de mauvais résultat, les patients iront peut-être voir à côté. Et les assurances augmenteront peut-être leurs tarifs.»
Quels seront les résultats, justement ? Etienne Minvielle, chercheur à l’Inserm, s’attend à «des écarts importants d’un établissement à l’autre». «C’est ce que l’on observe au niveau de l’étude pilote Compaqh*, qui teste plusieurs indicateurs sur des établissements volontaires en vue de mesurer la performance des hôpitaux», dit-il. Le chercheur ne serait pas surpris que les professionnels de santé changent de comportement après une telle publication. «Une bonne note peut valoriser les équipes convaincues de bien travailler, estime Etienne Minvielle. Ça peut aussi motiver les gens qui auront une notification plus modeste. Mais attention à ce qu’un mauvais résultat n’incite pas les médecins à sélectionner les patients les moins risqués»,dans l’unique objectif de voir la note réévaluée au classement suivant.
Quel sera le thème des prochains classements ? Les hôpitaux et les cliniques mal notés seront-ils sanctionnés, et si oui, comment ? A l’inverse, les meilleurs seront-ils récompensés ? Autant de questions que se poseront les médecins et les patients. Xavier Bertrand devra préciser s’il entend enfin ouvrir le débat sur le lien, pour l’heure inexistant, entre la qualité des soins et l’allocation des ressources.
* Projet Compaqh : Coordination pour la mesure de la performance et l´amélioration de la qualité hospitalière.
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