LE TEMPS DE LA MEDECINE
LA QUATRIEME édition du Quevauvilliers sera en librairie cet automne. Pour l'heure, le coordinateur de ce best-seller médical se livre à l'essentiel et fastidieux travail de relecture. Et le Pr Jacques Quevauvilliers ne cache pas le plaisir qu'il puise dans cette tâche qui rebuterait plus d'un bénédictin : 1 600 pages à revoir de A à Z, plus de 30 000 entrées, les traductions anglaises, les synonymes et, pour la première fois, la nouvelle terminologie internationale (on ne dit plus « omoplate » mais « scapula », etc.).
« C'est mon côté méticuleux et pinailleur, j'adore ça », avoue cet interniste. Parfois, une coquille savoureuse le fait s'esclaffer, comme quand il lit, à la place de « mégacôlon congénital », « mégacon congénital ». Mais le résultat est là : l'éditeur a fait réviser par un lexicographe de métier le travail réalisé. Et il n'a pas trouvé la moindre inexactitude : un sans-faute.
Tout est venu de l'enseignement.
Il est vrai que le Pr Quevauvilliers n'en est pas à son coup d'essai. Son premier enfant a vu le jour il y a quarante ans. « L'édition est une seconde carrière, tout droit venue de mon goût pour l'enseignement, raconte-t-il. A l'époque, j'étais assistant en physiologie et je faisais des conférences d'internat sur la biologie. Or il existait des cahiers sur la médecine, la chirurgie et l'anatomie, mais rien n'avait jamais été publié sur la biologie pour ce nouveau programme d'internat. J'ai donc été mis tout naturellement à contribution éditoriale par le patron des éditions Masson, Jérôme Talamon. »
Avec le Pr Léon Perlemuter, il forme un tandem inséparable. « Les Cahiers de biologie » paraissent en quatre volumes. Le succès est immédiat. « Logique, estime l'auteur, avec sa modestie coutumière, puisque nous étions les seuls sur le marché. » Dans la foulée seront publiés les « Petits Bleus de sémiologie », en tout sept volumes, particulièrement destinés aux étudiants de première année.
Chemin faisant, le Pr Quevauvilliers, qui a été nommé chef du service de médecine interne de l'hôpital de Poissy, donne des cours en école d'infirmières et le même enchaînement se produit, qui le conduit de l'enseignement à l'édition : Les premiers « Cahiers de l'infirmière » paraissent en 1976, toujours en association avec le Pr Perlemuter, rejoints par une équipe d'une quinzaine de collaborateurs, parmi lesquels Pierre Lachaise-Pasquier, Bruno Fournier et Edwige Michez. Innovation de l'ouvrage, les pages consacrées au rôle de l'infirmière lui valent un succès qui dure des années. La barre du million d'exemplaires finit par être franchie.
A ces cahiers succéderont « les Nouveaux Cahiers de l'infirmière », puis, épilogue logique, le « Dictionnaire médical de l'infirmière », « mon enfant chéri », avoue Jacques Quevauvilliers, intarissable sur ce fort volume entièrement en quadrichromie, dont la septième édition est programmée pour l'année prochaine. Sa diffusion fait pâlir les auteurs du Larousse médical : au-delà des infirmières, c'est le grand public qui se montre intéressé.
Une idée démentielle.
A la manœuvre éditoriale, les coordinateurs se retrouvent chaque semaine pour des séances de travail qui se terminent tard dans la nuit. « Un soir, on était un peu euphorique, se souvient le Pr Quevauvilliers, on a dégusté ensemble un bon cognac et l'un de nous a lancé :"Et si on faisait un dictionnaire pour les médecins ?" » Une idée démentielle, s'accordent à dire les membres du petit cénacle. Mais ils se partagent illico les sujets selon leurs spécialités et c'est ainsi que paraît dès 1971 la première édition du « Dictionnaire pratique de thérapeutique médicale ». Avec, toujours dans le rôle du « recolleur de morceaux », Jacques Quevauvilliers, préposé au ramassage de la copie et à la supervision des superviseurs.
Les lecteurs, cette fois, sont surtout des étudiants qui passent l'internat, ainsi que les internes en exercice. Ils seront quelque 160 000 à faire l'acquisition du « Dptm », jusqu'à sa dernière édition, en 1998.
Entre-temps, en 1997, Masson sort « le Dictionnaire médical ». En fait, une traduction française d'un ouvrage espagnol. Cette fois, c'est Jacques Quevauvilliers qui relève le gant et va faire son offre de service boulevard Saint-Germain, au siège de la maison d'édition.
Le public se précipite sur le volume à la célèbre couverture verte et jaune, illustrée du dessin de Léonard de Vinci sur les proportions du corps humain : étudiants en médecine, mais aussi membres des professions de santé et tous ceux qui s'intéressent aux mots de la médecine.
Trois rayonnages de livres.
Quand on lui demande combien de rayonnages pourraient garnir tous les ouvrages publiés sous sa griffe, le Pr Quevauvilliers estime, un peu embarrassé : « Trois, peut-être », ajoutant aussitôt : « Mais ce n'est quand même pas moi qui ai écrit tout ça ! »
Et l'agrégé de médecine devenu lexicographe continue son chemin, plein de projets pour l'avenir. Son goût pour les mots pourrait bien le conduire à remplir un quatrième rayonnage de ses prochains enfants.
« Dictionnaire médical », Masson, 3e édition, 1 602 pages, 32 euros.
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