AU COURS de la première Journée d’échanges cliniciens – chercheurs, à Caen, les Prs Patrick Brochard (Bordeaux) et Jean-Claude Pairon (Créteil) ont rappelé que l’identification d’une population à risque de mésothéliome pleural malin (MPM) repose surtout sur les médecins du travail. Ils utilisent notamment des questionnaires spécialisés pour la recherche d’une exposition à l’amiante, principal facteur de risque de ce cancer.
Outre l’examen clinique et la radiographie de thorax, le scanner thoracique fait l’objet d’une évaluation nationale en France pour ce dépistage. Des marqueurs tumoraux sanguins potentiels ont été récemment proposés pour le diagnostic : les peptides solubles apparentés à la mésothéline (Smrp) et l’ostéopontine. Le dosage de la Smrp est apparu prometteur dans l’expérience du Dr Scherpereel (Ajrccm 2006) avec un taux sanguin (et pleural) augmenté chez les patients présentant un MPM par rapport à ceux porteurs de lésions pleurales bénignes ou métastatiques. En faveur de l’utilisation des deux marqueurs en dépistage du MPM, dans l’étude du Pr Marc Letourneux (Caen), les taux sériques chez 111 sujets sains exposés à l’amiante étaient sensiblement identiques à ceux de sujets non exposés.
Sensibilité et spécificité.
Cependant, comme l’a expliqué le Pr Bruno Housset (Créteil), la sensibilité et la spécificité des marqueurs (autour de 80-90 %) semblent trop faibles pour envisager leur utilisation en dépistage de l’ensemble des sujets exposés à l’amiante en France, potentiellement jusqu’à 6 millions des personnes. En revanche, leur évaluation dans une population beaucoup plus restreinte, reconnue comme fortement exposée professionnellement à l’amiante peut être envisagée, conjointement ou non à l’utilisation du scanner thoracique. Ce projet fera l’objet d’une étude nationale lancée très prochainement par la Société française de médecine du travail avec l’aide de l’unité Inserm 774 (institut Pasteur, Lille, Dr A. Scherpereel) pour le volet marqueurs biologiques.
Le diagnostic de certitude du MPM se fonde sur l’histologie obtenue par biopsies réalisées le plus souvent par thoracoscopie. Cependant, pour le clinicien comme pour l’anatomopathologiste se pose parfois le problème du diagnostic des hyperplasies mésothéliales atypiques. Actuellement, on n’a pas de preuves pour les identifier comme de possibles lésions prénéoplasiques du mésothéliome, selon le Pr Tom Colby (Mayo Clinic Scottsdale, Etats-Unis).
Traitement toujours mal codifié.
Comme l’ont rapporté les experts présents, le Pr Philippe Astoul (Marseille) et le Dr Thierry Berghmans (Bruxelles, Belgique), le traitement du MPM est toujours mal codifié en l’absence de références thérapeutiques établies. La chirurgie radicale soulève un regain d’intérêt avec le développement du traitement multimodal qui comprend la pleuropneumonectomie élargie, suivie ou précédée d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie adjuvante. Cependant, cette stratégie reste à valider par des essais randomisés, car c’est une chirurgie qui présente une morbidité peropératoire élevée et une mortalité opératoire de 5 à 10 %. De plus, peu de patients sont éligibles.
Des nombreux agents de chimiothérapie testés dans le MPM s’est dégagé un traitement standard en première ligne. L’association d’un antimétabolite, le pemetrexed, associé au cisplatine, offre un taux de réponse de 41,3 % et une médiane de survie de 12,1 mois. De nombreux essais randomisés sont actuellement en cours, intégrant de nouvelles molécules ou stratégies thérapeutiques.
Les Pr Elisabeth Quoix (Strasbourg) et Gérard Zalcman (Caen) ont notamment envisagé l’intérêt potentiel dans le MPM de nouveaux agents thérapeutiques ciblés, déjà utilisés dans d’autres cancers, comme les inhibiteurs de la voie des facteurs de croissance ou les agents anti-angiogenèse. Visant à corriger le déficit de l’immunité antitumorale qui facilite le développement du mésothéliome, les thérapies génique et cellulaire représentent deux voies d’avenir. Le Pr Steven Albelda (Philadelphie, Etats-Unis) a rapporté les premiers résultats prometteurs d’essais cliniques de thérapie génique et les métastases de la plèvre, utilisant des adénovirus instillés dans l’espace pleural et faisant surexprimer localement des médiateurs qui stimulent l’immunité cellulaire (lymphocytes CD8 + cytotoxiques) comme la cytokine interféron-b.
Il existe donc une réponse thérapeutique même chez des patients qui ont échappé à des chimiothérapies antérieures. Les Drs Marc Grégoire (Nantes) et J. P. Hegmans (Rotterdam, Hollande) ont présenté les bases scientifiques d’essais de thérapie cellulaire utilisant les cellules dendritiques de patients porteurs d’un MPM, « éduqués » et stimulés ex vivo, afin que ces cellules, réinjectées chez ces patients induisent une forte immunité antitumorale. Déjà mis en place en Hollande, un essai clinique fondé sur cette technique pourrait voir rapidement le jour en France.
La Journée « Nouveautés dans le dépistage et la prise en charge du mésothéliome pleural malin » a été organisée à Caen par les Prs Françoise Galateau-Sallé (anatomopathologie, CHU de Caen, responsable du panel national MESOPATH), Philippe Astoul (pneumologie, CHU de Marseille) et le Dr Arnaud Scherpereel (pneumologie, CHU de Lille).
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