De notre correspondante
à New York
« Les résultats nous portent à être prudemment optimistes. Le mercure dans le poisson pourrait ne pas être aussi toxique qu'on le croit, mais il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir avant que nous puissions tirer cette conclusion », commente dans un communiqué le Dr Graham George (Stanford Synchroton Radiation Laboratory, Menlo Park, Californie), qui a dirigé l'étude.
Le mercure, naturellement trouvé dans l'environnement, peut être aussi libéré dans l'air par la pollution industrielle et retomber dans l'eau des lacs et des océans, où il est transformé par les bactéries en méthylmercure, très toxique pour les tissus, en particulier le système nerveux.
Le méthylmercure absorbé par les poissons s'accumule dans leurs chairs et des taux élevés peuvent être trouvés chez les gros prédateurs. Ainsi la consommation de poissons, comme l'espadon et le requin, représente notre principale source alimentaire de mercure et il est recommandé de ne pas en abuser.
Le méthylmercure
Mais la toxicité du méthylmercure dépend de sa combinaison moléculaire, certaines peuvent être très toxiques, d'autres bénignes. Or on ignore toujours quelles sont les formes moléculaires du méthylmercure trouvées dans les poissons.
George, Harris et coll. se sont servis d'une nouvelle technique d'imagerie (spectroscopie d'absorption de rayons X) afin d'identifier la forme chimique du mercure dans l'espadon.
« Maintenant que nous pouvons prélever des échantillons de tissu intacts et que nous pouvons étudier les composés à de très faibles concentrations souvent présentes dans les systèmes biologiques, tout le champ de la toxicologie moléculaire s'ouvre à nous », explique le Dr George.
L'équipe a comparé les spectres d'absorption du mercure contenu dans un morceau d'espadon avec les spectres d'absorption de 26 composés connus du mercure. Le spectre du poisson est celui du méthylmercure cystéine, ont-ils trouvé. Cette découverte n'est pas sans répercussion sur les propriétés toxiques attendues de la consommation de poisson.
« Jusqu'ici, les chercheurs ont utilisé le méthylmercure chloride pour modéliser les propriétés toxiques du poisson, car ils ignoraient à quoi était lié le mercure. Maintenant que nous le savons, en ce qui concerne le poisson, nous pouvons mieux étudier ses propriétés toxiques », explique le Dr George.
Vingt fois moins toxique
Dans un modèle animal, la larve du poisson zèbre, ils ont constaté que le méthylmercure cystéine se révèle vingt fois moins toxique que le méthylmercure chloride. Il reste à savoir si, dans l'estomac humain, les taux élevés de chlore ne changent pas le méthylmercure cystéine en méthylmercure chloride. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires.
« Une médiatisation considérable a été faite à propos des risques possibles sur la santé de la consommation de poisson, mais l'ingestion d'une dose de mercure en mangeant du poisson pourrait avoir des conséquences toxicologiques tout à fait différentes de l'ingestion de la même dose de mercure sous la forme d'autres composés du méthylmercure », soulignent les chercheurs.
Ils prévoient de déterminer la forme de mercure accumulée chez les mammifères qui mangent du poisson contaminé par le mercure. « Dès que nous aurons compris comment le mercure est lié dans les tissus des mammifères, nous serons dans une situation favorable pour développer un médicament qui pourrait peut-être le déloger des tissus », conclut le Dr George.
« Science », 29 août 2003, p. 1203.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature